Le président Jacob Zuma accumule les pratiques contestables et contestées, au nom des pratiques traditionnelles de sa région, oubliant parfois qu’il est le président de tous les Sud-Africains.
Après avoir imposé aux contribuables du Kwazulu Natal l’entretien de ses quatre femmes en prétextant qu’elles étaient toutes les quatre les épouses du président, après avoir prôné la polygamie et après avoir proposé une loi mettant en place la justice traditionnelle contre laquelle l’ANC avait lutté au temps de l’apartheid, au-dessus de la justice institutionnelle dans les zones rurales, Zuma en appelle aux rites « ancestraux » pour s’assurer la victoire au prochain congrès électif de l’ANC, en décembre, à Mangaung. Il a procédé au sacrifice rituel de douze vaches dans son village natal de Nkandla où la construction de son « domaine » privé a été financée sur fonds publics, donnant lieu au dernier scandale de corruption qui secoue le pays.
Les quotidiens ont publié en Une la photo du président dansant en tenue traditionnelle zouloue, un bandeau de léopard autour du front, lance et bouclier en mains. Des invocations aux esprits des aïeux du clan Nxamalala étaient prononcées en même temps par un ancien du clan présidentiel pour attirer leur bonne grâce sur le candidat président. Un banquet luxueux était ensuite organisé sur la propriété de Jacob Zuma. On apprendra peut-être un jour que ces festivités ont, elles aussi, été payées sur fonds publics.
Mais qu’est donc devenue l’ANC de Nelson Mandela, Oliver Tambo, Joe Slovo, Walter Sisulu et autres héros de la lutte contre l’apartheid ? Pire, il y a de fortes chances pour que Jacob Zuma, compte tenu du système de représentation au congrès de l’ANC, sorte vainqueur de l’urne, alors que le mécontentement grandit et que le gouvernement sud-africaines est de plus en plus discrédité. Tout ce qui forçait l’admiration pour le mouvement de libération et le parti post-apartheid est en train d’être dévoyé par une bande de corrompus qui voient dans l’ANC le moyen de s’enrichir et d’avoir du pouvoir, et qui n’ont que mépris pour ceux qui osent les contester.
C’est le cas, également du Parti communiste qui a perdu sa capacité d’analyse qui lui avait donné le respect de tous et une place si importante pendant les années de combat contre l’apartheid « pour une Afrique du Sud démocratique, multiethnique, non sexiste et non raciste », comme le disait la Charte de la liberté. Il a également oublié les règles éthiques qu’il s’imposait autrefois. L’insulte est devenue le mode de réponse à tous ceux qui s’opposent ou s’expriment contre la politique du gouvernement actuel et contre Jacob Zuma. Après avoir expulsé de ses rangs, l’été dernier, lors de son congrès, ceux qui s’opposaient à la candidature de l’actuel président, il lui a réaffirmé plus fortement que jamais son soutien inconditionnel. C’est un fait que le Parti communiste se verrait extrêmement affaibli sans son alliance indéfectible avec l’actuelle direction. L’insulte, donc, est devenue monnaie courante. Insultes à l’encontre de la jeunesse de l’ANC protestataire, des mineurs en grève et des victimes des forces de police de Marikana, des ouvriers agricoles en colère dans la province du Cap, des salariés des transports, bref, de tout ceux qui bougent.
Aujourd’hui, Blade Nzimande, son secrétaire général et ministre dans le gouvernement de Zuma, s’en prend à l’Alliance démocratique (DA). Quoi qu’on pense du parti d’Helen Zille, ancienne journaliste, Premier ministre de la province du Western Cape, militante antiapartheid, notamment proche de Steve Biko, il représente aujourd’hui une force multiethnique et progresse dans le pays en grande partie grâce aux dérives de l’ANC au pouvoir. La DA vient de tenir sa conférence nationale et d’élire à sa direction des « enfants de Soweto », comme Mmusi Maimane et Makashule Gana. « Nous sommes le futur de l’Alliance démocratique, nous travaillerons ensemble pour garantir que l’Afrique du Sud est gouvernée par des personnes responsables », a déclaré Maimane de la tribune. « L’Alliance démocratique est un parti de « madames blanches » et de baases (maîtres blancs) », a aussitôt déclaré Blade Nzimande devant la conférence de l’ANC du Kwazulu Natal préparatoire au congrès. Comment le Parti communiste sud-africain en est –il arrivé à avoir un secrétaire général capable de déclarer à la tribune de l’ANC : « Ceux qui disent qu’il n’y a pas de direction en Afrique du Sud parlent pour les riches. Je ne savais pas que l’électricité pouvait être connectée à des constructions en terre. C’est la direction de l’ANC qui a fait ça ! »
Comment a-t-on pu en arriver là ? C’est la question que se posent de très nombreux « camarades » sortis et des rangs du Parti communiste et de ceux de l’ANC, mais aussi ceux qui, nombreux au sein de la population, se sont sacrifiés pour instaurer une société démocratique en Afrique du Sud, la société de Nelson Mandela et qui ne continueront pas éternellement à voter ANC par nostalgie, notamment aux élections générales de 2014.