Jacob Zuma, président de l’ANC et de la république sud-africaine, est déjà en campagne électorale. Faisant fi des conflits au sein de l’organisation et de celle de ses alliés, la Confédération des Syndicats sud-africains, COSATU, et du Parti communiste sud-africain, le SACP, il utilise tous les moyens pour essayer d’endiguer la colère et la désaffection au sein de ses troupes, avec la décision du plus important syndicat, celui des métallurgistes, de ne pas soutenir l’organisation historique dans les élections à venir en 2014. Et de ne plus lui verser un rand.
Jacob Zuma est entré en campagne alors même que la date des élections générales de 2014 n’est pas encore fixée. C’est de ce scrutin que doivent sortir les nouveaux députés provinciaux et nationaux tandis que le nouveau Parlement devra élire le nouveau président de la République. Il est entré en campagne, également, avant même que les candidats de l’ANC n’aient été désignés, la conférence élective ayant été à nouveau repoussée compte tenu des problèmes internes. Jacom Zuma multiplie, néanmoins, les déclarations provocatrices et volontaristes. « L’ANC règnera pour toujours, encore et encore ! », a-t-il déclaré récemment. En 2008, il avait déclaré que l’ANC règnerait « jusqu’au retour de Jésus-Christ ’.
Cette frénésie du président cache difficilement l’inquiétude de l’organisation historique en grande difficulté qui, si elle a l’assurance de l’emporter en 2014, bénéficiant encore de son aura et de la faiblesse d’une opposition pas encore assez structurée et convaincante, devrait enregistrer le plus bas score depuis 1994 et les premières élections démocratiques, soit moins de 60% selon les sondages.
Il est donc important de galvaniser les électeurs dont la plus grande crainte est qu’ils ne jugent pas utile d’aller voter, écoeurés par les scandales à répétition qui touchent le pouvoir et ses proches, et par l’attitude méprisante, voire agressive, de l’ANC et du pouvoir envers les manifestants et protestataires de toutes sortes qui n’ont vu aucune amélioration de leurs conditions de vie depuis 1994. Beaucoup sont également démobilisés depuis la disparition de Nelson Mandela malgré les tentatives pathétiques de Jacob Zuma d’utiliser encore la mémoire du héros national à son profit et d’en revendiquer la filiation.
Alors que faire ? La dernière trouvaille en date du président est la nécessité de « changer la constitution », et pour cela, il faut que l’ANC obtienne les deux tiers au Parlement qu’elle n’a pas obtenus au dernier scrutin. « Nous voulons une immense majorité cette fois car nous voulons changer certaines choses qui ne peuvent l’être avec une petite majorité, afin d’avancer car il y a certaines difficultés », a-t-il déclaré devant quelques centaines de partisans, à KaNyamazane, près de Mbombela, où la population avait reçu l’ordre de porter les couleurs de l’ANC, partisans ou non.
Les partis d’opposition s’inquiètent des projets de Jacob Zuma, même si cette question de changement de constitution avait été au centre des précédentes élections. Pour Agang SA, il s’agit d’une initiative du seul Jacob Zuma, sans discussion préalable au sein de l’organisation. Freedom Front Plus exige la publicité des modifications de constitution auxquelles le président a fait référence. « Tous les électeurs en Afrique du Sud doivent être informés. Sinon, ce serait aussi une insulte envers l’ANC et ses membres ».
La constitution sud-africaine est l’une des plus démocratiques au monde. « C’est un document vivant qui doit être amendé de temps en temps pour refléter les besoins des Sud-Africains. Un tel processus ne doit pas être pris à la légère et, plus important, ne peut être utilisé comme une manipulation électorale » a déclaré Lindiwe Mazibuko, députée au parlement national, porte-parole et chef du groupe parlementaire de l’Alliance démocratique depuis octobre 2011. « N’ayant pas réussi à tenir ses promesses, il a recours maintenant au pire genre de propagande pour maintenir un soutien en perte de vitesse. Les Sud Africains ne se laisseront pas abusés par cette ruse en 2014. »
En attendant, l’ANC a, une nouvelle fois, reporté sa conférence élective qui doit désigner les candidats à tous les niveaux pour le scrutin de 2014. Pas de date, pas de candidats, mais des gesticulations qui n’apporteront rien de bon à l’organisation, ni au peuple sud-africain.