On a vu avec quel mépris le gouvernement sud-africain et les dirigeants de l’ANC et ses alliés ont traité les mineurs qui se sont sacrifiés pour défendre leurs droits les plus élémentaires à des salaires minimums et des conditions de vie et de travail décentes.
C’est par le même mépris que l’ANC vient de traiter neuf partis d’opposition qui ont déposé une motion de censure de principe, sachant qu’elle ne passera pas car il faudrait qu’elle emporte 50% des voix des parlementaires alors que l’ANC occupe les deux tiers des sièges. La motion de censure est motivée, en premier lieu par le massacre de Marikana et le traitement de la question des grèves dans les mines par le gouvernement et le président Jacob Zuma. Sa présentation est tout à fait constitutionnelle et respecte, donc, les règles que la démocratie sud-africaine post-apartheid s’est elle-même fixées. La motion est également motivée par l’incapacité du gouvernement de fournir des livres scolaires dans les provinces du Limpopo et du Cap Est et le scandale de corruption qui en a émergé, par la dégradation de la note de confiance par deux agences majeures, et par « la marée incontrôlable et déferlante » de corruption dans les services publiques.
Aussitôt après le dépôt de la motion par la dirigeante parlementaire du deuxième parti sud africain, la Democratic Alliance d’Helen Zille, figure de la lutte anti-apartheid au même titre que d’autres, députée et maire de la ville du Cap et Premier ministre de la province du Western Cape, l’ANC a déposé une contre-motion réaffirmant sa totale confiance en la direction de Jacob Zuma. Dans un communiqué, l’ANC explique qu’elle est « résolue à rejeter tout stratagème frivole et mesquin de recherche de publicité déguisé en motion à l’Assemblée nationale par quelques partis d’opposition. » Le porte parole de l’ANC à l’Assemblée, Moloto Mothapo, a déclaré que la motion n’était basée sur « aucun fait ou preuve », et, par conséquent, n’était rien d’autre qu’un « acte de diffamation ». « La soi-disant motion de censure contre le Président Jacob Zuma est une opération désespérée, sinon stupide, un coup de publicité par un groupe de leaders de l’opposition qui cherchent à attirer l’attention. Une telle opération serait risible ou rejetée avec un mépris silencieux si elle ne ridiculisait pas cet auguste Parlement », a-t-il déclaré. « Ces partis d’opposition impliqués dans ce stratagème devraient savoir que le pouvoir et le mandat politiques de direction sont obtenus par la voie des urnes, pas à la porte de derrière de l’Assemblée nationale. La tentative d’usurpation du pouvoir du peuple par des motions stupides est vouée à un échec épique. »
De toute évidence, l’ANC veut éviter le débat parlementaire sur ces questions brûlantes qui ont fait, déjà, l’objet de plusieurs rapports, plaintes, grèves et autres manifestations. On imagine mal Nelson Mandela, voire, le précédent président, Thabo Mbeki, ou la précédente Assemblée nationale traiter avec autant de mépris 25% des électeurs. Sur la défensive alors que les enquêtes pour corruption s’accumulent, les dirigeants de l’ANC, les proches de Jacob Zuma particulièrement, semblent perdre leur sang froid et leur sens politique qui a fait l’honneur et la grandeur de cette organisation depuis sa création, il y a cent ans.