Selon le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, l’Allemagne a largement tiré profit de la crise grecque, grâce à la position intransigeante d’Angela Merkel dans le traitement de la question grecque.
En effet, sur pression des Verts allemands, opposés à la politique impitoyable de la chancelière allemande à l’égard de la Grèce, le ministère des Finances a été obligé de publier les chiffres concernant les intérêts perçus par l’Allemagne sur les prêts accordés au gouvernement grec. Le Kreditanstalt fûr Viederbau (Kfm), l’institution financière allemande, a perçu, depuis 2009, plus de 390 millions d’euros d’intérêts sur un prêt de 15,2 milliards d’euros. Le total des gains pour l’Europe s’élève à 1,34 milliards d’euros depuis 2009, alors que le peuple grec vit cette crise et les mesures d’austérité imposées par l’Europe et ses alliés du FMI, de façon dramatique. Par ailleurs, la Banque centrale allemande, la Bundesbank, a perçu 952 millions d’euros dans le cadre du rachat européen de titres de dette souveraine des pays membre de l’Union en difficulté majeure après le renflouement des banques privées par des fonds publics, comme le Portugal, la Grèce et l’Espagne.
Cependant, le principe de « solidarité » de l’Union européenne qui impliquait l’engagement des pays prêteurs de reverser les intérêts des prêts accordés à la Grèce pour lui permettre de sortir de la crise économique et de la dette publique, n’est pas été respecté par l’Allemagne. Une décision prise par Angela Merkel depuis 2015, suite à l’échec des négociations avec la « troïka » et au referendum du 5 juillet 2015. Face à l’intransigeance de l’Union européenne et aux mesures impitoyables imposées au peuple grec, le Premier ministre Aléxis Tsipras s’en remettait, en effet, à la décision kdes Grecs quant aux propositions européennes, de la Banque centrale européenne (BCE) et du FMI. Les résultats ne laissaient aucun doute quant à la victoire politique du gouvernement grec, avec 61,31% de « non », contre 38,69% de « oui ».
Malgré ce résultat, dans un contexte politique chaotique – Alexis Tsipras démissionnait le 20 août, avant de revenir à la tête du gouvernement suite à la victoire de son parti Syriza aux élections législatives anticipées du 21 septembre suivant – la Grèce acceptait un prêt de 86 milliards d’euros sur trois ans, assorti de nouvelles mesures d’austérité. En mai 2017, le Parlement grec adoptait, encore une fois, sous la pression de l’Eurogroupe, et du FMI, une nouvelle série de mesures afin d’obtenir un allégement de sa dette qui s’élève à 320 milliards d’euros, soit près de 180% de son PIB. « L’approche allemande de la crise grecque peut sembler légale. Elle est illégitime d’un point de vue moral et en terme de solidarité », a déclaré Sven Christian Kindler, représentant des Verts à la Commission budgétaire du Bundestag, le Parlement allemand.
Après plus de sept ans de rigueur extrême, de privatisation de pans entiers de l’économie nationale et du patrimoine public – notamment, la vente de 28 biens immobiliers publics scandaleusement bradés à 261 millions d’euros, qui a profité essentiellement à deux opérateurs privés, Eurobank Property et Ethniki Pangaea – le monde de la finance et les ténors de l’Union européenne dont le Français Pierre Moscovici, commissaire européen, se « réjouissent » du retour d’Athènes sur les marchés financiers en émettant, le 25 juillet, pour la première fois depuis 2014, des titres de sa dette publique sous forme d’obligations à cinq ans. Les capitalistes de l’Union européenne et du FMI, se « réjouissent », également, du fait que l’agence de notation Moody’s a relevé sa note, fin juin, Standard & Poor’s devant suivre. Mais le prix payé par le peuple grec reste élevé. En mai dernier, les fédérations des syndicats du public et du privé protestaient, par un appel à une grève générale de 24 heures, contre le vote d’une nouvelle série de mesures d’austérité, dont des coupes de 4,9 milliards d’euros dans les retraites et la hausse des taxes et des impôts, prévues pour 2019 et 2020. Des mesures qui ont obligé le gouvernement à revoir ses prévisions de croissance à la baisse pour 2017, passant de 2,7% à 1,8%.
Depuis, malgré un découragement partiel de la population et face à l’abandon de ses grands principes par Alexis Tsipas, les manifestations se multiplient. En réalité, l’accord signé entre la Grèce et ses créanciers, le 15 juin, sur le versement d’un nouveau prêt de 8,5 milliards d’euros, dont l’essentiel (7,7 milliards) sera, immédiatement reversé aux créanciers, ne réglera rien. La dette de la Grèce s’alourdira de nouveaux intérêts, entraînant de nouvelles mesures d’austérité.
Un cercle vicieux généré par le système FMI et ses programmes de « réformes structurelles » dont on connaît, depuis longtemps, les conséquences dramatiques dans les pays en développement obligés d’y avoir recours. Une « aide » dont les peuples et les économies nationales, premières victimes, continuent de payer le prix fort.