«Je suis choqué par la facilité avec laquelle les terroristes ont pu pénétrer sur le site d’Areva comme dans une motte de beurre, faire leur marché parmi le personnel, et quitter le Niger sans être inquiétés».
Expert chevronné de la lutte antiterroriste et de la sécurité, François Heisbourg a fait état de sa perplexité après l’enlèvement des cinq Français et deux Africains (Togolais et Malgache) le 16 septembre, à l’aube, à Arlit, site d’extraction d’uranium dans le nord du Niger réputé stratégique. « Les ravisseurs étaient bien renseignés, les portes du camp se sont ouvertes trop facilement devant eux. » Le groupe nucléaire français Areva, numéro un mondial, parle de ce site comme d’une « province uranifère majeure » pour sa croissance. Alors que la polémique faisait rage à Paris sur les conditions de sécurité sur le site minier, les terroristes ont conduit aussitôt leur « butin » au nord du Mali, où ils disposent de bases arrière sanctuarisées. C’est à partir de là qu’ils vont lancer les enchères pour éventuellement les échanger contre une rançon. Ils sont entre les mains d’Abou Zeïd, chef radical de la phalange Tareq Ibnou Zyad, qui s’appuie sur les fatwas d’un imam mauritanien dévoyé de 33 ans, Abou Anas, pour accomplir ses forfaits. Abou Zeïd était l’auteur de l’exécution de deux otages européens : le Britannique Edwin Deyer en mai 2009, et le Français Michel Germaneau en juillet 2010.
À l’occasion, ces bandits du désert peuvent être utilisés comme un moyen de pression contre leurs dirigeants. En 2007, le président destitué du Niger avait accusé Areva de soutenir la rébellion des Touaregs du nord du Niger, qui réclamaient un partage plus équitable des ressources de l’uranium. Malgré la médiation de l’Algérie, il n’était pas parvenu à rétablir la paix dans la région, laissant libre cours aux manœuvriers de toute obédience politique.
Millions de dollars
En fait la zone sahélo-saharienne, convoitée pour ses richesses minières et son pétrole, est devenue ces dernières années un sinistre vivier du « gang-terrorisme », mélange de terreur islamiste et de banditisme. Les bandits sous-traitent leurs prises aux terroristes, qui tentent alors d’en tirer le maximum auprès de leur pays, tout en faisant avancer leur « cause » à travers les médias occidentaux. La dernière opération leur a procuré au moins huit millions de dollars de Madrid, qui s’est pliée à leur chantage pour récupérer deux touristes espagnols pris dans la nasse. Bamako avait auparavant accepté d’ouvrir les portes de ses prisons devant quatre chefs terroristes d’Al-Qaïda contre la libération du Français Pierre Camatte.
Il était difficile pour Al-Qaïda de ne pas voir dans ce laxisme dénoncé par Alger et l’Union africaine (UA) un encouragement implicite à la poursuite et à l’extension de ses activités criminelles. Bamako, Nouakchott et Niamey, empêtrés dans de faux calculs sur le soutien qu’ils espèrent obtenir de Paris, traînent des pieds pour mettre en place la force régionale commune antiterroriste. L’idée a été lancée par l’Algérie, afin de couper l’herbe sous le pied de toute intervention étrangère, selon les recommandations de l’UA. Ils risquent de payer ce retard très cher.