Pendant les printemps démocratiques, le terrorisme continue
L’attentat de Marrakech, qui a fait une quinzaine de morts dont la moitié de Français, est déjà plein d’enseignements. On peut estimer que cet acte terroriste est lié à la mouvance d’Al Qaïda au Maghreb, l’Aqmi. Chassé d’Algérie, le mouvement qui, a trouvé des territoires frontières – un peu à l’Afghane – dans le vaste Sahel empiétant sur le Mali, le Niger, la Mauritanie… et le Sahara marocain. ??Ce mouvement terroriste se heurte aux intérêts et à l’influence française dans la région, notamment autour des exploitations de gisement d’uranium, indispensable au nucléaire. L’Aqmi souhaite, bien sûr, renverser le régime algérien. Mais son objectif déclaré est d’instaurer un nouveau califat, en commençant par le Maghreb. ??Tous les régimes en place sont donc, par définition, des cibles : l‘Algérie qui le traque, la Libye de Kadhafi qui le désigne comme instigateur de la guerre civile actuelle, la Mauritanie et le Maroc. Avec, pour ce dernier, d’autres raisons particulières. Le Maroc est considéré comme un pays quasiment apostat par les islamistes. Le royaume est trop « ouvert » et trop occidentalisé. Les critiques sont précises, s’appuyant sur des éléments incontestables. ??Marrakech est un centre attractif pour la société cosmopolite et la jet-set. L’alcool coule à flots, la prostitution est omniprésente, sans oublier l’homosexualité qui s’affiche en terre d’islam et où, pire que tout, les pédophiles décorent leurs « riads » en tanières de prédateurs sexuels. ??
Lieux de corruption par l’alcool et le sexe??
Le discours est récurrent. On dénonce des lieux de débauche, tenus le plus souvent, fait-on remarquer, par des Juifs, où les Musulmans sont corrompus par l’alcool et les femmes. Ces endroits qui attirent une clientèle friquée sont très surveillés d’ailleurs par les autorités qui redoutent depuis longtemps une action terroriste ciblée. Or la cible de l’attentat est à des années lumière de ces établissements. ??Les terroristes ont visé avant tout le lieu : la place la plus connue de la ville, le symbole mondial de l’exotisme touristique marocain. Le café-restaurant « L’Argana » est un lieu fréquenté par le tourisme ordinaire et populaire. On n’y vend même pas d’alcool. Le rez-de-chaussée est un café-glacier et les étages sont occupés par une restauration traditionnelle (couscous – brochettes), à prix certes élevé pour le pays et par rapport aux autres gargotes, mais de très moyenne gamme. L’établissement est sur la gauche en venant du Cub Med, de l’autre côté de la place Djemaa-el-Fna, à une entrée du souk. Pour l’atteindre, il faut passer à travers charmeurs de serpents, vendeurs d’escargots et de jus d’orange.??C’est donc le royaume et le tourisme de masse, indispensable à son développement, qui a été visé, tout comme les Français, de loin les plus nombreux à fréquenter ces endroits. On était sûr de frapper un symbole et de tuer du Français.??Il faut donc écarter l’hypothèse de la provocation policière, évoquée par certains. L’ampleur du carnage et ses conséquences économiques, lourdes pour le tourisme, écartent cette théorie. Le gouvernement marocain s’est d’ailleurs empressé de faire savoir que les réformes continueraient. ??En clair: que l’attentat ne servirait pas de prétexte à une reprise en main sécuritaire. On pouvait en effet envisager que ne soit brandi, d’une manière ou d’une autre, le « péril islamiste »pour juguler le mouvement de contestation, pour le moment très respectueux du monarque.??
Laissez passer les terroristes sans papier??
Cet attentat douche en tout cas l’optimisme des commentateurs qui, en admiration devant les mouvements actuels dans le monde arabe, annonçaient la fin d’Al Qaïda, au profit de l’alternative démocratique. Certes, les Islamistes ne sont pas à l’origine d’une contestation politique à forte motivation individuelle. On peut même affirmer qu’ils détestent une jeunesse ne pensant qu’à jouir de la vie et de ses plaisirs à l’occidentale : internet, sexe et consommation.??Marrakech apporte la preuve qu’ils n’ont pas désarmé et que, pendant le printemps démocratique, le terrorisme continue. On peut donc penser qu’Aqmi vise le royaume impie et les roumis qui le corrompent. Très inquiétant pour le Maroc, cet attentat l’est aussi pour la France. Il s’agit d’un attentat à objectifs multiples.
N’en déplaise à Claude Guéant, notre pays est également visé. Bien sûr, les touristes vont hésiter à se rendre dans la ville ocre à la porte du désert. Mais si Aqmi a frappé une cible facile, rien ne dit que l’on soit plus en danger, demain, dans un café de la place Djemaa el Fna que sur une terrasse du boulevard Saint Germain.