Les insurgés seraient dans l’incapacité stratégique et en termes de moyens militaires de marcher sur Tripoli.
Une course de contre la montre s’est engagée en Libye entre les risques d’enlisement de la coalition dans une guerre indéfinissable et un éventuel plan de règlement turc, impliquant le retrait du pouvoir colonel Kadhafi et des réformes politiques et institutionnelles.
Le général américain Carter Ham, commandant des forces américaines pour l'Afrique, a jeté un lourd pavé dans la mare en indiquant qu’il était peu probable que les rebelles parviennent à lancer un assaut sur Tripoli pour renverser le colonel Kadhafi. Ils n’en ont pas les moyens et sont mal organisés pour ce genre d’expédition, qui réclame un minimum de coordination entre troupes aguerries. Résultat probable : le « front » risque de se stabiliser autour de la zone pétrolière d’Ajedabya, faisant courir le risque d’une partition du pays.
Cette éventualité est d’autant plus plausible désormais que l’Otan refuse d’aller plus loin dans ses frappes aériennes et qu’aucune intervention au sol n’est autorisée par la résolution des Nations unies codifiant la « protection des civils ».
Les troupes régulières, qui ont perdu une grande partie de leurs moyens anti-aériens, comptent profiter de cette ambiguïté opérationnelle pour resserrer leur contrôle sur l’ouest du pays et bloquer l’avance des insurgés sur Tripoli.
Pour se protéger des frappes aériennes occidentales, elles se déploient dans les villes et usent de techniques de combat déroutantes pour les chefs militaires de l’Otan. Le porte-parole de l'état-major des armées françaises, le colonel Thierry Burckhard, a reconnu que la situation était "complexe", que les forces pro-Kadhafi avaient "modifié leur mode d'action" en remplaçant les blindés par les pick-up pour leurs déplacements et en « s’imbriquant » d’avantage dans la population civile.
Ces développements interviennent alors que les insurgés manifestent de plus en plus fort leur déception à l’égard de la coalition. Ils l’accusent de lourdeur et d’inefficacité et lui reprochent deux dommages collatéraux qui ont tué plusieurs de leurs partisans. Au moins deux rebelles et un médecin ont été tués jeudi 7 avril et quatorze ont été blessés par un raid aérien « ami » dans la région de Brega, selon le chef d'état-major des insurgés, le général Abdelfatah Younès.
Les insurgés, qui réclament des armes, se sont vu offrir une aide financière, mais Washington s’est dit en même temps "encouragé" par les déclarations publiques et privées des rebelles. "Les choses vont dans la bonne direction" s'agissant du "respect des droits de l'Homme et de la tentative de créer une transition démocratique incluant" toutes les composantes politiques, a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche Mark Toner.
Le Premier ministre turc a annoncé pour sa part qu'il proposerait un plan de réglement politique de la crise, impliquant un cessez-le-feu immédiat pour préserver la population civile et des réformes politiques et institutionnelles. Le plan turc a été favorablement accueilli par le Conseil national de transition, qui l'a conditionné au retrait du pouvoir du Kadhafi.
Ankara a voulu ainsi se "racheter" auprès de la population furieuse contre ses premières déclarations ambigües sur le conflit, laissant entendre qu'elle soutenait le régime du "Guide" et désapprouvait l'intervention de l'Otan.