L’Occident ne serait pas ou ne serait plus opposé à ce que les islamistes prennent dans cette partie du monde les rênes du pouvoir au prétexte qu’il faut faire jouer les règles de la démocratie.
Question : et si au final le « printemps arabe » devait se retourner contre leurs propres initiateurs en faisant le bonheur des partis islamistes ? Certes, présentement, il est difficile de répondre, mais il n’en demeure pas moins que désormais la question est posée. Mieux, elle est au cœur même de l’actualité dans la mesure où les premières élections législatives post-printemps organisées en Tunisie et au Maroc ont donné le ton de ce que sera cette reconfiguration du champ politique à laquelle les manifestants ont aspiré lorsqu’ils se sont révoltés contre les régimes en place. D’après les analystes politiques, l’Egypte connaîtra un sort similaire. C’est du moins ce que prédisent ces analystes. La Libye où les autorités tendent à mettre en place les fondements d’un Etat nouveau, ne fera certainement pas l’exception. À son tour, elle sera balayée par la montée de la vague verte. Selon les projections de certains politologues, les islamistes rafleront systématiquement la mise là où seront organisées de nouvelles élections. Ils en sortiront vainqueurs même si le taux de participation ne dépassera pas les 50%. Surtout, devrions- nous dire, dans la mesure où l’abstention pénalise toujours la majorité silencieuse. Et pour cause : l’islamisme, auquel on prend le soin d’ajouter le qualificatif de modéré, pour l’édulcorer et le distinguer du radical ou de l’extrémiste, est présenté comme le modèle politique de substitution aux régimes dictatoriaux et corrompus en place dans le monde arabe. Toutefois, faut-il le souligner, certaines capitales occidentales ont usé de leur force de persuasion pour faire réadmettre les islamistes dans le jeu politique. « Ils sont une réalité sociale dans le monde arabe. Pourquoi alors les repousser ? » aurait même commenté un diplomate de passage à Alger. C’est dire donc que l’Occident ne serait pas ou ne serait plus opposé à ce que les islamistes prennent dans cette partie du monde les rênes du pouvoir au prétexte qu’il faut faire jouer les règles de la démocratie. Il est vrai aussi que la realpolitik impose à ces pays de s’accommoder de n’importe quel régime dès lors qu’ils sont sûrs que leurs intérêts économiques et financiers seront préservés. «Nous faisons bien avec les régimes dictatoriaux», avait lâché un autre diplomate en poste à Alger. Dès lors que des régimes théocratiques voient le jour dans le monde arabe n’est pas pour gêner particulièrement l’Occident. Que tous les pays du monde arabe emboîtent le pas à la Tunisie et au Maroc où les partis islamistes ont raflé la mise lors des dernières élections est une éventualité qui ne choque pas outre mesure, ces dirigeants qui dans leurs pays respectifs durcissent la législation pour lutter contre les signes ostentatoires de la communauté musulmane. Et puis pourquoi ces capitales occidentales seraient-elles embêtées par l’émergence de cet islamisme modéré dès lors qu’elles sont persuadées que leur mainmise perdurera. Preuve en est, les nouveaux vainqueurs s’empressent de montrer patte blanche en développant en leur direction un discours sur mesure.
Nadia Kerraz