Il faut savoir terminer une guerre
Parallèlement aux bombardements aveugles de l’Otan, qui ont détruit un petit hôpital à Zliten, à 150 kilomètres de Tripoli, faisant au moins sept morts civils, le 25 juillet, les négociations pour une sortie politique négociée de la crise vont bon train.
Sur le front militaire.Devant le petit hôpital bombardé, les journalistes ont pu voir un bâtiment complètement détruit, avec le Croissant-Rouge à l'entrée et des produits pharmaceutiques, un brancard, des gants, des bouteilles d'oxygène éparpillées. Selon les autorités, il s'agissait d'un petit centre de lutte contre les maladies contagieuses. Dans l'après-midi, des engins étaient toujours à l'oeuvre pour fouiller les décombres, et cinq ambulances étaient sur place dans l'attente d'éventuels survivants.
Dans une autre zone, les journalistes ont pu se rendre devant quatre dépôts de produits alimentaires bombardés dans la nuit par l'Otan, selon les autorités. L'un des bâtiments était en flammes. Les journalistes ont vu des centaines de sacs de riz, des tomates, de l'huile végétale brûler. Dans la même enceinte, les journalistes ont aussi pu apercevoir un bâtiment de la "sécurité agricole", qui a été totalement détruit.
De l'autre côté du front, les rebelles de l'enclave rebelle de Misrata, à une soixantaine de kilomètres à l'est de Zliten, ont appelé à l'aide, lundi, dans un communiqué pour lutter contre un "énorme incendie" provoqué par un bombardement des pro-Kadhafi contre des dépôts de carburant et de gaz.
Les rebelles, avançant depuis Misrata, tentent depuis des semaines de s'emparer de la ville de Zliten. La semaine dernière, ils ont annoncé que 16 des leurs avaient été tués et 126 blessés pour les seules journées de jeudi et vendredi. Parallèlement, l'Otan a accentué ses frappes sur cette zone. Selon les comptes rendus quotidiens de l'Alliance, elle a touché plusieurs dizaines de cibles militaires depuis mercredi.
Cet enlisement militaire a amené plusieurs membres de l’Otan à se résigner à l’idée d’une négociation avec Tripoli pour éviter le pire. C’est ce qui a amené l'amiral Michael Mullen, le chef d’état-major interarmées américain à reconnaître que l’Otan est actuellement dans une « impasse » en Libye, tout en affichant un optimisme de façade en évoquant une possible réussite finale de la stratégie de l'Alliance qui se traduirait par le départ du colonel Kadhafi.?Les rebelles libyens combattent depuis la mi-février les forces loyalistes et ont reçu le renfort de raids aériens de l'Otan, sans parvenir jusqu'ici à déloger Mouammar Kadhafi du pouvoir. Sa résidence a été touchée samedi 23 juillet par des avions de l'Otan dans une série de sept raids dont un a touché un centre de commandement militaire, selon l'Alliance. « Nous sommes, de manière générale, dans une impasse », a reconnu l'amiral Mullen au cours d'un point de presse à Washington, présenté comme son dernier avant qu'il ne prenne sa retraite.?Mais les raids de l'Otan « ont considérablement amoindri » les forces du colonel Kadhafi et ont constitué « une pression supplémentaire » sur l'armée loyaliste, a-t-il relevé. « A long terme, je pense que c'est une stratégie qui fonctionnera (et permettra) de chasser Kadhafi du pouvoir », a-t-il affirmé. Les rebelles ont repris ce mois-ci la ville de Goualich et comptent s'appuyer sur cette victoire pour lancer un assaut sur Tripoli à partir de l'ouest. Selon eux, leur tentative de prise de contrôle de la capitale par l'est a été ralentie par la nécessité de déminer les alentours de la ville pétrolière de Brega, où auraient été placées quelque 45.000 mines.?Interrogé pour savoir si Washington était prêt à armer les rebelles libyens, l'amiral Mullen a répondu qu'il n'y avait « pas eu de décision d'armer le CNT (Conseil national de transition) de la part des Etats-Unis ». Le président américain Barack Obama a nommé le général Martin Dempsey pour remplacer l'amiral Mullen, qui prendra sa retraite le 30 septembre.
Sur le front diplomatique.Pendant que les bombes de l’Otan continuent à pleuvoir et à faucher des vies civiles, des négociations avancées se déroulent dans les principales capitales concernées entre émissaires de Tripoli d’un côté et Paris, Londres, Moscou de l’autre.
Selon le journal en ligne SlateAfrique, Mouammar Kadhafi pourrait se retirer au profit de son fils Seif al Islam. C'est une option vers laquelle se dirigent les négociations avec le Guide libyen et ses principaux soutiens, notamment les chefs des tribus…
« En Libye, , écrit SlateAfrique, les bombes et les missiles continuent de pleuvoir sur Tripolimais le régime de Kadhafirésiste encore. Mieux, il a enclenché au cours des derniers jours une offensive diplomatique destinée à déstabiliser la coalition internationale et à saper les efforts du Conseil national de transition(CNT), qui cherche à gagner plus de soutien international. »
« Signe de l’évolution de la situation et du quasi-enlisement sur le front militaire, ajoute SlateAfrique, la France ne semble plus opposée à ce que le Guide suprême reste en Libye. Mais, comme l’a précisé le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, «à condition qu’il se retire du pouvoir». Ce à quoi les proches de Kadhafi s’empressent de répondre que ce dernier «n’a aucune responsabilité politique et qu’il ne peut donc abandonner un pouvoir qu’il ne possède pas».
« Dialogue de sourds? Pas si sûr! Car tout le monde est bien conscient de la nécessité de faire en sorte que celui qui a régné sur la Libye durant près de quarante-deux ans puisse se retirer de la scène politique sans perdre la face » conclut le journal.
Autre développement majeur dans ce sens : le CNT, qui excluait jusqu’ici toute négociation avec Kadhafi et son clan, fait un revirement spectaculaire.
Dans un entretien avec le Wall Street Journal, Moustafa Abdel Jalil, le président du CNT, a déclaré que « le leader libyen et sa famille pourraient rester en Libye en cas d'accord politique visant à mettre fin au conflit en cours, à condition qu'il renonce au pouvoir »,
"Kadhafi peut rester en Libye, mais cela sera assorti de conditions", dit Jalil dans l'interview. "Nous déciderons où il séjournera et qui le surveillera. Les mêmes conditions s'appliqueront à sa famille", ajoute Jalil. Le chef de la diplomatie française Alain Juppé avait déclaré mercredi dernier que Kadhafi pourrait rester en Libye, à partir du moment où il accepterait de renoncer au pouvoir qu'il exerce depuis septembre 1969. Les États-Unis et l'Italie disent de leur côté que le colonel Kadhafi doit renoncer au pouvoir, mais que son sort reste à déterminer par le peuple libyen, ce qui préserve la possibilité de le voir rester dans son pays.
Dans tous les cas de figures, on est loin des fanfaronnades du début de la guerre quand tous les dirigeants de l’Otan, avec leurs nouveaux supplétifs du Golfe (Emirats arabes unis et Qatar) criaient que Kadhafi, ses enfants et ses proches fidèles doivent déguerpir et être traînés devant la justice internationale.
L’enlisement militaire, l’impasse stratégique, la crise financière (à la fois chez les Européens et les rebelles), le risque de somalisation du Maghreb et du Sahel, l’arrêt des exportations pétrolières et gazières libyennes, autant de facteurs qui exigent de ceux qui avaient déclenché cette folle guerre à plus de modestie. Toute honte bue, ils seront forcés et contraints à accepter la seule option qui vaille, celle proposée dès le départ par l’Union africaine.