Le ton du discours du roi du Maroc a bien été cordial, il n’empêche que sa volonté d’apaisement sera vraisemblablement torpillée une fois encore par son gouvernement.
A l’occasion du 36e anniversaire de la Marche verte qui s’était conclue par l’annexion du Sahara occidental par le Maroc, après le retrait chaotique de l’Espagne, ancienne puissance coloniale, donnant ainsi naissance à l’un des plus vieux conflits de l’Afrique, le Roi Mohammed VI aappelé l'Algérie à coopérer efficacement pour la construction d'un Maghreb nouveau qui serait un « véritable moteur de l'unité arabe » capable d'assurer la « stabilité et la sécurité dans la zone sahélo-saharienne ».
« Le Maroc réitère sa disposition à tout mettre en œuvre (…) et notamment avec l'Algérie sœur, dans le cadre de la dynamique actuelle (…) pour la concrétisation commune des attentes des générations présentes et à venir qui aspirent à l'avènement d'un ordre maghrébin nouveau », a-t-il souligné dans ce discours.
Si le ton du discours royal semble cette année conciliant dans sa forme, contrairement aux précédentes années, avant l’irruption des « printemps arabes », où l’Algérie était attaquée frontalement, sur le fond, la position du Maroc reste intransigeante.
« Nous récusons, dit-il, les manipulations (…) des adversaires de notre intégrité territoriale qui ignorent (…) les appels répétés notamment ceux du Conseil de sécurité de l'ONU et du Haut Commissariat des Nations unies aux Réfugiés (HCR), pour que celui-ci procède à un recensement garantissant à nos frères de Tindouf le droit humain à une protection juridique, et leur permettant de jouir de tous leurs autres droits ».
Le roi Mohammed VI a estimé que le plan d'autonomie « élargi » proposé pour résoudre ce conflit était « crédible », appelant les différentes parties à œuvrer pour trouver une « solution politique définitive négociée ».
Ce discours, faut-il le rappeler, intervient après une série de secousses régionales : la chute de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte, le renversement du régime libyen et la menace terroriste dans la région sahélo-saharienne devenue pesante avec la transformation de la Libye en un réservoir d’armes à ciel ouvert. Le Maroc a déjà été le 28 avril dernier la cible d’un odieux attentat terroriste à Marrakech. En Algérie, on a observé une recrudescence des attentats kamikazes. La Tunisie n’a pas été épargnée. L’insécurité en Libye, qui va crescendo, ouvre, comme après l’invasion de l’Irak, un boulevard à tous les mouvements terroristes dans la région.
A cela il faut ajouter la crise économique qui sévit et qui rend la construction maghrébine plus urgente que jamais.
Le Maroc a également décliné poliment mais clairement l’invitation que lui avaient adressée les monarchies du Golfe pour rejoindre le CCG, estimant que sa priorité est la « construction maghrébine ». Un geste hautement apprécié à Alger.
Le roi Mohammed VI a voulu également répondre, quoique tardivement, au message d’amitié que le président algérien Abdelaziz Bouteflika lui avait adressé à l’occasion de la célébration de la fête marocaine du trône. Dans ce message, le président algérien écrit : « Convaincu du destin commun auquel nous sommes liés, je réitère à Votre Majesté mon souci de joindre mes efforts aux vôtres pour raffermir les liens de fraternité, de coopération et de bon voisinage en faveur de la construction d'une relation bilatérale modèle au service des intérêts de nos deux pays et peuples frères unis par des relations historiques et concernés par les défis de l'avenir ».
Mais jusqu’ici, ces déclarations d’amitié n’ont pas débouché sur des actes concrets illustrant un réel rapprochement. Bien au contraire. Elles ont été à chaque fois torpillées par des déclarations hostiles d’autres responsables marocains. Ainsi, récemment, le ministre marocain des Affaires étrangères, Taïeb Fassi Fihri, s’est largement inscrit en porte à faux avec le discours de son roi après l’enlèvement des trois Européens à Tindouf. Il a cherché à transformer cet enlèvement en succès diplomatique pour son pays dans le dossier du Sahara occidental. Le ministre marocain n’a pas hésité en effet à critiquer durement l’Algérie, l’accusant de n’avoir pas su sécuriser les camps de réfugiés de Tindouf. « Il s'agit de la responsabilité d'un État et c'est l'Algérie qui en est le premier responsable », a?t?il ainsi déclaré.
Le site algérien TSA, souligne que « cette accusation dure et directe tranche avec l’ambiance de réconciliation instaurée entre les deux pays ces derniers mois. » « Le ministre a?t?il parlé avec le feu vert du monarque ? Fassi Fihri reproche en réalité à l’Algérie d’avoir marginalisé le Maroc au Sahel en ne l’incluant pas dans la politique de coopération régionale antiterroriste. Il est vrai que cet enlèvement était l’évènement idoine pour remettre cette question sur le tapis. Quitte à révéler les contradictions au sommet du pouvoir marocain et à faire quelques pas en arrière dans la politique de rapprochement avec l’Algérie. »
Notons cependant que l’Algérie, contrairement à certains responsables sahraouis, n’a pas voulu polémiquer ni accuser directement le Maroc d’être l’instigateur de ces enlèvements.
(Avec atlasinfo.fr et tsa.dz)