Quelques heures avant de s’adresser à la nation, le Roi Mohamed VI a présidé, vendredi 17 juin, dans la grande Salle du Trône, au Palais Royal de Rabat, un Conseil des ministres, au cours duquel il a notamment été procédé à l’approbation du projet de nouvelle Constitution.
Cette nouvelle mouture de la constitution, qui sera proposée à l’approbation populaire par référendum, comprend un renforcement des pouvoirs du Premier ministre qui deviendra « le président du gouvernement », à l'instar du chef du gouvernement espagnol. Il élargit le champ de compétences du Parlement, tout en préservant au souverain d'importantes prérogatives politiques. Son statut de Commandeur des Croyants est préservé et en fait la seule autorité religieuse du royaume.
Le 9 mars, Mohammed VI, 47 ans, avait promis des réformes politiques pour répondre aux attentes des jeunes manifestants du Mouvement du 20 février. Le nouveau projet constitutionnel prévoit de garantir l'indépendance de la justice vis-à-vis des pouvoirs législatif et judiciaire, et permet au « Premier ministre de nommer aux fonctions civiles et dans les administrations publiques, dans les fonctions supérieures et les institutions, ainsi que les entreprises publiques » (article 91).
Ces pouvoirs de nomination, qui concernent les hauts fonctionnaires civils de l'Etat, sont exercés par le roi Mohammed VI en vertu de l'actuelle constitution marocaine.
Les domaines de compétence du parlement sont également élargis dans le nouveau projet de la constitution. Ils comprennent notamment « l'amnistie générale » (article 71 du nouveau projet), qui est jusqu'à présent du seul ressort du souverain.
En matière religieuse, le projet de réforme constitutionnelle prévoit également la suppression de la disposition qui considère le caractère « sacré » de la personne du roi. Elle a été remplacée dans l'article 46 du nouveau projet par l'expression: "L'intégrité de la personne du roi ne peut être violée". Cette nouvelle expression est « différente par rapport à la première. Car le terme +sacré+, surtout en arabe, a une forte connotation religieuse », a indiqué à l'AFP le politologue Mohamed Darif. « Cette nouvelle formule ne cherche pas à donner une dimension religieuse à la personne du roi mais elle met plutôt en exergue ses responsabilités politiques », ajoute M. Darif.
La nouvelle constitution doit également confirmer que l'Islam reste la religion de l'Etat et que la liberté de culte est garantie.
Le roi reste aussi le chef des armées et dispose du pouvoir d'accréditer les ambassadeurs et les diplomates.
Chef de l’état, chef de l’armée et Commandeur des croyants, le roi s’est toujours montré en faveur d’un Islam modéré.? L’intervention du roi était d’autant plus attendue que l’impatience a grandi depuis son discours du 9 mars, souligne un expert.? « Entre le discours royal du 9 mars, dans lequel il avait promis des changements, et aujourd’hui, trois mois se sont écoulés sans qu’il y ait le moindre acte politique important », a déclaré à l’AFP le politologue Pierre Vermeren. ? « On a poussé la patience jusqu’au bout », souligne Lahcen Daoudi, le président du groupe parlementaire du parti islamiste Justice et développement (PJD, opposition parlementaire).? « Le Maroc va tourner une page pour en ouvrir une nouvelle », ajoute-t-il. Une commission pour élaborer des réformes a été mise en place en mars sous la présidence du juriste Abdeltif Menouni, et ses conclusions ont été présentées aux partis politiques.? La nouvelle loi fondamentale doit également désigner le berbère comme langue officielle à côté de l’arabe.?En outre, la justice sera clairement séparée des autres pouvoirs, pour assurer son indépendance.? Depuis février, le Maroc est le théâtre de manifestations en faveur de la démocratie menées notamment par le Mouvement de jeunes du 20 février, et les partis politiques réclamaient notamment le renforcement des pouvoirs du Premier ministre.? « Nous voulons une monarchie parlementaire, démocratique et sociale », a déclaré à l’AFP le ministre chargé des relations avec le parlement, M. Driss Lachgar.? « Cela suppose que le Premier ministre devienne le chef effectif du pouvoir exécutif », a ajouté M. Lachgar qui est également l’un des dirigeants du parti de l’Union socialiste des forces populaires (USFP, coalition gouvernementale).