L’Otan a reçu l’aide des émirats pour intervenir en Libye, mais ces derniers ne sont pourtant pas des parangons de démocratie.
Le ministre italien des affaires étrangères Frattini, avec le gouvernement émirati, a coprésidé orgueilleusement le 9 juin, à Abu Dhabi, la troisième réunion du Groupe de contact sur la Libye. L’Italie donc, comme dit le président de la république Napolitano, joue « son rôle pour qu’avance dans le monde la cause de la paix, des droits humains et de la démocratie ». Les Emirats arabes unis -monarchie absolue dans laquelle la représentation démocratique n’existe pas- ont envoyé récemment des troupes au Bahrein pour écraser dans le sang la demande populaire de démocratie, et ils sont en train de préparer, avec la compagnie militaire privée Xe Services (ex-Blackwater), une armée secrète de mercenaires à employer aussi dans d’autres pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. C’est sur cette solide base démocratique qu’on prépare la « phase post conflit » en Libye.
Tandis que l’OTAN démolit systématiquement les bases matérielles de l’Etat libyen, en larguant des milliers de bombes sur Tripoli et d’autres localités, le Groupe de contact soutient avec des millions de dollars et euros le Cnt de Benghazi. Celui-ci, représentant une partie minoritaire de la population, n’arrive pas à gagner du terrain même si l’OTAN entraîne et arme ses troupes et lui ouvre la voie avec des bombardements. A Abu Dhabi, il a été décidé d’adopter le « modèle italien » dans la fourniture des « aides » au Cnt. L’Italie, qui a joué les « ouvreurs », fournira au Cnt des fonds d’une valeur de 300-400 millions d’euros en cash et en crédit disponible, et 150 autres millions en carburant (voir appendice pour la version française, NdT). Les fonds seront « garantis par les biens congelés en Italie et par le pétrole extrait et raffiné dans l’avenir par le nouveau gouvernement libyen ». De cette manière les principaux pays du Groupe de contact (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, monarchies du Golfe) posent une lourde hypothèque sur l’avenir de la Libye. Si un gouvernement obséquieux était installé, ces pays auraient en main l’économie du pays, en gérant les fonds souverains libyens congelés et en contrôlant la production et l’exportation du pétrole.
Pendant ce temps, comme garantie pour l’avenir, Washington a placé la gestion des finances et du pétrole du Cnt dans les mains de son homme de confiance, Ali A. Tarhouni, enseignant à l’université de Washington. Les résultats ne se sont pas faits attendre : le premier contrat pour l’exportation de pétrole libyen, de 1,2 millions de barils, le Cnt l’a conclu avec une compagnie étasunienne : Tesoro. Et, alors que Tarhouni annonce que le Cnt produira rapidement 100 mille barils de pétrole par jour, le Département d’Etat annonce « le soutien américain (étasunien, NdT) pour des ventes ultérieures de pétrole par le Cnt ». Le gouvernement italien, qui a servi d’ouvreur, ne veut cependant pas être de reste. Il appuie donc aussi le Cnt avec « une assistance humanitaire et de coopération au développement » pour un montant de plusieurs millions d’euros. Un de ses projets les plus significatifs, géré par l’Istituto agronomico delle l’oltremare (Institut agronomique de l’outremer) prévoit l’ « amélioration du palmier dattier de l’oasis d’Al Jufra ». Fierté de l’Italie : alors qu’elle largue sur la Libye des bombes d’une tonne à l’uranium appauvri, elle rend plus douces les dattes libyennes.
Edition de vendredi 10 juin 2011 de il manifesto?https://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20110610/manip2pg/08/manip2pz/304686/
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio