les élus américains s’estiment les derniers informés de l’évolution de l’engagement de leur pays en Libye.
Dès le début de l’engagement occidental militaire en Libye, le président américain Barack Obama a tenu à ne faire qu’un service minimum en transférant la conduite des opérations à l’Otan. Cela n’a pas convaincu les élus, qui s’estiment les derniers informés de l’évolution de l’engagement de leur pays en Libye. Plus l’enlisement sur le terrain se confirme, plus l’impatience des élus s’exprime publiquement.
C’est ainsi que la Chambre des représentants a envisagé de voter sur un projet de résolution proposé par l'élu démocrate de gauche Dennis Kucinich, appelant au retrait des forces américaines de la campagne militaire dirigée par l'OTAN contre la Libye.
En réponse, Jay Carney, porte-parole de la Maison Blanche, a indiqué, lors d'un point presse, que la Maison Blanche avait informé le Congrès de chaque étape des opérations en Libye, et que le président Barack Obama avait tenu parole en transférant le contrôle de la mission à l'OTAN.
De son côté, John Boehner, président républicain de la Chambre, a critiqué la Maison Blanche pour son manque de clarté sur la mission.Il a sommé M. Obama d'expliquer « notre mission en Afghanistan, notre mission en Irak, notre mission en Libye ».
Ce débat houleux, rarement présenté par les médias des pays européens engagés dans la guerre contre la Libye, notamment la France, est en train d'évoluer vers un vote de défiance vis-à-vis d’Obama. C’est dans ce cadre que la Chambre des députés du Congrès a adopté par 268 voix contre 145 une résolution demandant au président de présenter dans les 14 jours un rapport détaillé sur l'intervention.Les élus ont par ailleurs rejeté une deuxième résolution par 148 voix contre 265 qui demandait purement et simplement le retrait des forces américaines de la coalition internationale qui combat les forces du colonel Mouammar Kadhafi, sous la bannière de l'OTAN.Mais, signe de la colère des élus, le texte remporte tout de même plus d'un tiers des voix de la chambre basse.
«Notre loyauté envers l'OTAN et notre président, quel que soit notre parti, ne prévaut pas sur notre loyauté envers la constitution des États-Unis», a écrit M. Kucinich, ardent adversaire des interventions américaines à l'étranger, à ses collègues. Devant des craintes que la Chambre approuve la résolution de M. Kucinich, envoyant un mauvais message à la communauté internationale, le chef de la majorité républicaine John Boehner a décidé de déposer sa propre résolution, moins radicale.
Le rapport réclamé par la résolution de M. Boehner exige une explication du président sur le fait qu'il n'a pas demandé au Congrès son feu vert. Le texte rappelle aussi que le vote du Congrès en cas de conflit est une «prérogative constitutionnelle». La résolution doit encore franchir le cap du Sénat où certains élus ayant également été froissés de ne pas avoir été consultés.
Mais les sénateurs seraient plutôt partisans d'une résolution de soutien à une intervention américaine « limitée » en Libye, telle que rédigée par le républicain John McCain et le démocrate John Kerry.
« Les élus des deux bords sont de plus en plus contrariés », a indiqué la présidente républicaine de la Commission des Affaires étrangères, Ileana Ros-Lehtinen. « Si ce net avertissement n'attire pas l'attention de la Maison Blanche, alors d'autres actions plus fortes seront inévitables », a-t-elle ajouté.
De son côté, la Maison Blanche a jugé « inutiles » les deux résolutions. « Nous avons agi en concertation avec le Congrès pendant toute la durée (de l'opération) », a dit le porte-parole adjoint de la Maison Blanche, Josh Earnest, à des journalistes à bord de l'avion présidentiel.
Récemment, plusieurs élus, républicains et démocrates, ont contesté l'autorité de M. Obama concernant les opérations en Libye, alors que le délai légal de 60 jours sans autorisation parlementaire a été dépassé le 20 mai. Dennis Kucinich en tête, ils invoquent une loi de 1973 ou «Loi sur les pouvoirs de guerre» (« War Power Act ») conçue pour limiter les pouvoirs présidentiels sur le déclenchement des guerres, mais qui a été ignorée par plusieurs présidents.
M. Obama avait assuré que la nature «limitée» de l'implication américaine dans le conflit ne nécessitait pas d'autorisation du Congrès.
Ce débat ne va tarder à se manifester en Europe. Le gouvernement français aura aussi, au delà de trois mois d’engagement extérieur, à ouvrir un débat parlementaire sur cet engagement. Face à l’enlisement militaire, au coût exorbitant des opérations en temps de crise économique aigue, de plus en plus de parlementaires, qui avaient soutenu au départ cette opération de « protection des civils », risquent de changer d’avis et de demander des comptes à Nicolas Sarkozy.