C’était l’un des gimmicks des discours du candidat Sarkozy : les relations entre la France et l’Afrique allaient changer. Trois ans après son arrivée à la présidence française, les mauvaises habitudes perdurent, mais des nouveautés sont aussi apparues. Hélas ! pas toujours pour le meilleur.
«Il ne faut pas qu’on se fasse prendre notre place par des puissances émergentes […] Il faut renforcer la présence de la France, ses parts de marché, ses entreprises. Ne pas avoir peur de dire aux Africains qu’on veut les aider, mais qu’on veut aussi que cela nous rapporte », déclarait le chef de l’État français, en juin 2008. Des propos dénués de toute ambiguïté sur les nouvelles dynamiques des relations franco-africaines. Ils ont été emblématiquement repris par Samuel Foutoyet dans son livre Nicolas Sarkozy ou la Françafrique décomplexée.
L’auteur retrace l’historique de ces relations à partir de la fin des années 1950, pour en conclure : au-delà des « déclarations de façade, l’État français continue de soutenir un bon nombre des pires dictatures du continent, encourage l’affairisme, perpétue les interventions militaires… Une véritable politique de domination, similaire à celle menée par les États-Unis en Amérique latine – avec dix ans de retard. » Une leçon de désenchantement pour les esprits naïfs qui avaient pu se faire des illusions sur les bonnes intentions plusieurs fois affichées par le futur locataire de l’Élysée pendant sa campagne électorale.
Sarkozy n’avait-il pas affirmé par exemple, lors de sa tournée africaine en mai 2006, vouloir « chasser les vieux démons du paternalisme, de l’assistanat et du clientélisme », et notamment les « réseaux d’un autre temps » ? N’avait-il pas martelé, certainement mû par le souci de se démarquer du président sortant Jacques Chirac : « Le fonctionnement normal des institutions politiques et diplomatiques doit prévaloir sur les circuits officieux qui ont fait tant de mal dans le passé. » Or, trois ans après sa prise de fonction à la tête de l’État, ces résolutions demeurent des déclarations de principe sans suivi dans la réalité. Le départ forcé du secrétariat d’État à la Coopération de Jean-Marie Bockel, ancien du Parti socialiste qui aurait dû être l’un des symboles de la prétendue « rupture » annoncée, l’intervention militaire au Tchad pour sauver le régime minoritaire d’Idriss Déby ou le soutien apporté au dictateur djiboutien Omar Guelleh sont passés en revue par Foutoyet, qui fait la démonstration d’une continuité flagrante des vieilles méthodes de la Françafrique.
Ce qui ne doit pas empêcher d’analyser les éléments de nouveauté. Loin de la perspective de rendre plus salubres, transparentes et équilibrées les relations franco-africaines, un changement est en cours qui répond surtout aux exigences de la mondialisation néolibérale et de la course aux matières premières engagée par les grandes puissances et les pays émergents. Un cadre qui pénalise davantage les pays africains, appauvris par la libéralisation tous azimuts de leurs économies et la privatisation des entreprises publiques. Et qui n’inspire pas l’optimisme. Car force est de reconnaître, avec l’auteure et ex-ministre malienne Aminata Traoré : « La recolonisation va bon train, mais à visage caché et, signe des temps, sans être en butte à une résistance digne de ce nom. »
Nicolas Sarkozy ou la Françafrique décomplexée,
Samuel Foutoyet,
Survie/Éditions Tribord,
160 p., 4,50 euros.