Expo Méroé, le plus ancien empire d’Afrique noire dans l’actuel Soudan, se dévoile au Louvre. Remontez le temps et découvrez ce splendide monde à part !
La mythique Méroé est située à 200 kilomètres au nord de l’actuelle Khartoum (Soudan). Vers 591 av. J.-C., elle devient la capitale, après Napata, du vaste royaume de Kouch, encore connu aujourd’hui pour sa nécropole royale dotée de pyramides (environ 500 tombes et 100 pyramides !). Sa situation fit d’elle un carrefour pour les voies caravanières entre la mer Rouge, l’Érythrée, le Haut-Nil et le Tchad, jusqu’à sa destruction par les Axoumites vers 350 apr. J.-C.
Un empire raffiné
Grâce à des prêts du musée national de Khartoum et de plusieurs institutions européennes, le Louvre propose, pour la première fois, une exposition exclusivement consacrée à Méroé (1), révélant « une civilisation mystérieuse dont on comprend qu’elle fût puissante, impérieuse et raffinée. L’empire méroïtique s’est développé sur les rives du Nil subsaharien [entre le iiie siècle avant notre ère et le ive siècle de notre ère, ndlr], tandis que l’Égypte des pharaons subissait la domination des Grecs puis des Romains », rappelle Henry Loyrette, président-directeur du musée du Louvre. Quelque
200 œuvres rares et originales – verres, faïences et terres cuites, bijoux, sceaux, reliefs, objets en fer et en bronze… – évoquent l’empire à travers plusieurs thèmes principaux : « La vie quotidienne, l’artisanat et l’art, le système d’écriture, les rois et leurs insignes du pouvoir, le rôle des reines, les cultes où cohabitent Amon l’Égyptien et Dionysos le Grec, ainsi que l’au-delà tel que le concevaient les Méroïtes. »
L’originalité de ce royaume tient avant tout au mélange des influences égyptiennes – en particulier dans le domaine royal et religieux – et méditerranéennes, le tout sur un substrat africain. Le temple de Naga consacré au dieu-lion Apedemak, divinité spécifiquement méroïtique, est un magnifique témoignage de cette mixité : une architecture, une décoration et un mobilier très largement inspirés des modèles égyptiens – des symboles magico-religieux : la croix de vie, l’œil ou le cobra dressé à disque solaire, apparaissent sur des objets variés –, mais une touche locale omniprésente, avec une multitude d’éléments traduisant l’autochtonie du souverain et des dieux représentés. D’autres détails, en particulier dans certaines représentations divines, témoignent de l’intensité des échanges culturels avec le monde méditerranéen. Moins anecdotique, le célèbre kiosque « romain » de Naga, situé sur l’allée processionnelle du temple du Lion. Systématiquement, Méroé, grâce à l’implication d’artistes locaux, a su mélanger et reformuler les différents héritages, leur associant ses propres proportions, matériaux, signes et formes géométriques.
À côté de cet univers d’influences, certaines productions sont propres à Méroé : « Ainsi la céramique noire à décor géométrique incisé ou imprimé, exécutée à la main et non au tour ; de même les figurines animales et humaines, en particulier ces statuettes féminines au visage scarifié, au fessier plantureux et à la taille filiforme », précise Michel Baud, du département des Antiquités du Louvre.
La créativité du plus ancien empire d’Afrique noire ne s’est pas limitée à la « culture matérielle ». Notons en effet que la société méroïtique s’est aussi distinguée en développant la royauté féminine (on ne peut pour autant parler de matriarcat). Les mères et les sœurs royales ont toujours été associées à la pratique du pouvoir, participant notamment aux cérémonies et pratiques rituelles. Au ier siècle apr. J.-C., elles règnent : « Une série de quatre reines [ou “candaces”, ndlr], Shanakdakhete, Amanirenas, Amanishakheto et Nawidemak, accèdent au trône en tant que monarques à part entière. » Une institution qui semble avoir perduré jusqu’au ive siècle et dont témoignent les représentations « de femmes opulentes, portant les emblèmes du pouvoir, éventuellement armées et massacrant les ennemis, ou enlacées par le dieu de la monarchie, Amon ». D’ailleurs, les candaces sont restées une source d’inspiration pour les artistes. Petit clin d’œil en passant au roman Onitsha, de Jean-Marie-Gustave Le Clézio, dans lequel un des héros part sur les traces de la dernière reine noire de Méroé.
Monde à part
Pas de doute, Méroé fut vraiment un monde à part. Alors, l’invitation du Louvre à découvrir cet « empire sur le Nil » ne se refuse pas. D’autant que le catalogue (2) qui accompagne l’exposition est particulièrement réussi. Riche d’un contenu rédigé par les meilleurs spécialistes et de nombreuses illustrations, cet ouvrage de fonds a de plus le mérite d’être publié en français.
(1) L’exposition « Méroé.
Un empire sur le Nil » est organisée par le musée du Louvre, Paris, jusqu’au 6 septembre 2010.
(2) Sous la direction de Michel Baud, coédition Louvre/Officina Libraria, 288 p., 360 illustrations, 39 euros.