Gabon Elle est une valeur sûre de la chanson gabonaise, mais son huitième album, « Ma motoha », lui a donné un nouvel élan. Amandine n’a jamais été aussi à l’aise dans ses textes. Rencontre avec une femme heureuse.
La pièce est vaste, sans luxe particulier, meublée en clair, du blanc, de l’écru. Impression de légèreté. Au rez-de-chaussée, le groupe de danseurs répète une chorégraphie.
Deux heures de l’après-midi, sur cette colline qui fait face à la Démo, atmosphère quotidienne de travail. Amandine aime ça. Elle se lève à deux reprises, donne un conseil, réajuste un geste, encourage. Dix-sept ans de carrière, des périodes plus ou moins faciles, elle semble toucher maintenant une maturité sereine(1). Et dans ce nouvel équilibre, la tonalité de Ma motoha, son dernier album, se retrouve. Disons-le, c’est un opus résolument vocal, qui s’appuie sur une voix maîtrisée, accompagnée de choristes pour l’essentiel masculins. Et tout ça au service de textes obamba, dans une veine « sociale ». « En quittant Mandarine, ma dernière maison de production, je me suis mise à chanter le quotidien. Il y avait des choses comme la stérilité, l’infidélité des hommes, “l’épidémie au foyer” dont je voulais parler. Nous vivons ça tous les jours. » Et ce sont justement ces titres qui ont convaincu le public. À l’image de « Citotec », « ce médicament contre les douleurs de l’estomac et que les jeunes filles prennent pour avorter. C’est une chose terrible, ces grossesses précoces et ces avortements pratiqués n’importe comment au quartier, avec des risques dramatiques. Il faut que les petites filles sachent ce qu’elles risquent. Leur vie ».
Depuis ses débuts, Amandine chante sur des registres différents. Mais toujours dans une inscription culturelle forte. De famille obamba, ce sont les contes qui l’ont d’abord intéressée. Puis, au fil des années, elle se tourne vers des thématiques plus contemporaines.
La famille, par exemple, l’interpelle. « Parce qu’elle est très abîmée, notre famille africaine. L’argent divise, la politique divise. Il y a des membres riches et d’autres pauvres, mais plus beaucoup d’aide entre eux. Personne ne vient plus au secours des démunis. Un titre comme « Tini ékiné n’a Nkouono » parle de ça. Ca signifie “le temps où les familles étaient unies”. On en est loin désormais. »
Une certitude : cet album rassemble bien au-delà de la seule famille obamba. Si les textes sont en langue obamba, les femmes qui l’achètent sont autant punu, fang, eshira, myenné… Parce que ces sujets sont universels, que la voix les porte et que le sens
ne peut échapper.
« Mais si tout ça a été possible, je pense que je le dois déjà à ma petite fille Chancia. Je l’ai attendue si longtemps. C’est une délivrance, cette maternité. Et puis il y a les amis. Des gens comme Patience Dabany, la "Maman", ou Mathias Otounga, Luc Oyoubi, ont été formidables. C’étaient des moments difficiles. Et ils étaient là ! » Aujourd’hui, Amandine peut penser à l’avenir. Ce sera ici, ce sera au Mali, au Congo, à Abidjan ou à Paris… Pour mieux faire connaître son nom, pour s’ouvrir au monde !
(1) Née en 1977,
à Okondja (Haut-Ogooué),
elle débute sa carrière en 1993.
Premier album, Yaya Omar, en
1993, onze albums depuis.
Le dernier, Ma motoha,
est sorti en décembre 2009.