Serge Michailof et Alexis Bonnel décryptent avec rigueur et exhaustivité les arcanes de l’aide publique au développement. Sans concession.
C’est tout le mérite de l’ouvrage de Serge Michailof et Alexis Bonnel (1) que d’avoir expliqué dans le détail les arcanes de l’aide publique au développement (APD). L’ensemble étant très dense et remarquable, nous n’aborderons ici que trois thèmes : la définition du don par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la disparition de l’APD bilatérale française et le défi de la reconstruction des États « faillis ».
Des prêts devenus dons
L’OCDE a accepté de considérer comme dons des prêts qui présentaient un élément de don supérieur à 25 %. Conséquence : les donateurs se sont empressés de multiplier les prêts qui leur permettaient de les présenter comme APD et d’en quadrupler ainsi, au bas mot, la valeur affichée pour le bon peuple. Mais est arrivée la période où cette facilité, et d’autres complaisances, ont dégénéré en surendettement des pays en développement. Les ONG s’en sont émues et une procédure d’annulation fut engagée par les États prêteurs. Pour éviter le retour d’une telle situation, la France a décidé de ne plus accorder que des subventions aux États les plus pauvres. Comme cette décision a entraîné un net surcoût, l’aide en subventions est devenue plus maigre. C’est ainsi que les auteurs ont pu écrire : « Les ressources en don effectivement disponibles sur l’aide bilatérale française ne représentent pas plus, selon les années, de 200 à 300 millions d’euros, qui sont émiettés sur les 55 pays de la zone dite de solidarité prioritaire. »
Rétrospectivement, on ne donnera pas tort aux pays bénéficiaires de ces prêts-dons de les voir avec soulagement transformés en vrais dons. L’hypocrisie n’a pas payé. Mais la générosité de la coopération française s’est tarie. Elle a présenté des dépenses fictives (annulations de dettes et autres) pour justifier un montant présentable d’APD. Parallèlement, elle a accru fortement ses prêts à des conditions préférentielles (mais non bonifiées) aux pays intermédiaires pour mettre l'accent sur l'extension de son activité. L’auteur signale au passage que si la partie multilatérale de l’APD française, c’est-à-dire celle passant par la Communauté européenne, la Banque mondiale et les organismes dépendant de l’Onu, a été maintenue, il regrette une chose : « La France s’est privée du seul moyen réel de dialoguer avec elles et de les influencer, qui aurait consisté à conduire des opérations en cofinancement ou à intervenir avec des fonds fiduciaires associés. »
Le chapitre sur le défi de la reconstruction des états « faillis » apporte aussi des réponses claires sur les cas complexes de la République démocratique du Congo et surtout de l’Afghanistan.
(1) Notre maison brûle au Sud. Que peut faire l’aide au développement ? Serge Michailof et Alexis Bonnel, Éd. Fayard, 358 p, 23 euros.