Le procès de Pierre Falcone est achevé, celui-ci attend désormais sa sentence. Retour sur une longue histoire à rebondissements.
Dans la plaidoirie finale du procès en appel de l’affaire dite de l’Angolagate, l’avocat de Pierre Falcone, Me Pierre-François Veil, a affirmé qu’Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères à l’époque des premiers contacts entre le prévenu et des émissaires angolais, était au courant de la demande de l’Angola d’achat d’armement pour se défendre des attaques de la rébellion de l’Unita, qui occupait déjà deux-tiers du territoire. Le mouvement de Jonas Savimbi avait refusé de reconnaître sa défaite au premier scrutin libre du pays, en 1992, et repris les armes.
L’avocat a longuement rappelé le rôle des Nations unies dans la proclamation des résultats des élections et la reconnaissance internationale du gouvernement légitime qui en fut issu, énuméré les condamnations répétées du Conseil de sécurité, les sanctions et embargos décrétés contre l’Unita (armes, diamants et carburant, notamment) à partir de mars 1993, pour souligner l’incompréhension des enjeux, voir des intérêts français en Angola, de membres éminents du gouvernement français, le ministre de la Défense François Léotard, en premier lieu. Me Veil a beaucoup insisté sur le lobby pro-Savimbi de l’époque, en citant nommément Patrick Wasjman, fondateur de la revue Politique internationale, dont il a lu des passages d’un article de 1993 faisant l’éloge de Savimbi. Or, dit l’avocat, Wasjman a influencé un des conseillers diplomatiques de Juppé, qui avait rédigé pour le ministre une note favorable à l’Unita au moment où celle-ci était déjà sous sanctions.
Est-ce la raison pour laquelle Falcone et son mentor ministre de l’intérieur Charles Pasqua, n’ont pas cru opportun demander l’autorisation du Comité interministériel pour procéder à l’exportation d’armes en Angola ? Non, affirme Me Veil, car il n’y avait guère besoin de cette autorisation, aux dires mêmes de l’expert du ministère de la Défense, cité longuement par l’avocat, puisque les armes furent achetées en Russie par l’intermédiaire d’une société basée à Prague. Bien que ceci ne constitue pas une nouveauté dans l’argumentaire de la défense, les avocats ont l’impression que cette fois, « ils ont été entendus » par les juges de la cour d’appel. Si le chef d’accusation de « trafic d’armes » tombe, la peine du principal accusé devra être revue.
Le 21 février, l’avocat général Michel Lernout a formulé ses réquisitions après avoir décortiqué durant près de huit heures la mécanique de ce commerce d’armes avec l’Angola, ainsi que les versements de la société de droit français de Falcone, Brenco, au bénéfice de personnels politiques français, d’intermédiaires et autres facilitateurs. L’avocat général avait demandé la confirmation de la condamnation en première instance de six ans de prison fermes réclamés contre Pierre Falcone et contre Arcadi Gaydamak (condamné par contumace), trois ans de prison avec sursis contre Charles Pasqua – pour lequel Me Lernout ne demande pas un an ferme comme en première instance. Le procès en appel des dix-sept prévenus, qui a duré sept semaines, a été mis en délibéré le 3 mars. Sentence prévue au 29 avril.
Joana Vieira