L’Afrique noire est mal partie, écrivait en 1962 René Dumont.
Au lourd héritage colonial se sont en effet ajoutées des politiques économiques qui n’ont pas répondu en priorité aux besoins de la population, mais au diktat néocolonial. L’agriculture vivrière a été sacrifiée aux cultures de rente, alors que les pays producteurs n’exerçaient aucun contrôle sur les prix de leurs exportations sur le marché mondial. L’extraversion des économies africaines les a détournées des efforts indispensables à l’accélération de leur industrialisation et a perpétué leur statut d’État-client de l’Occident, avec lequel nombre de pouvoirs africains ont entretenu des relations incestueuses et trahi les aspirations à la liberté et à la démocratie.
Les élites africaines se sont pour la plupart accommodées de cette situation, ont manqué d’audace ou de méthodes d’action afin de mettre en œuvre les grands principes que beaucoup de leurs leaders avaient proclamés avec conviction à l’indépendance. Ainsi que le souligne Samir Amin, à cette époque là, l’Afrique était le « ventre mou », la partie la plus vulnérable du système mondial, et elle le reste. Mais elle semble à présent décidée à mettre à profit le succès des pays dits émergents pour retrouver sa marge de manœuvre à l’égard des multinationales occidentales et rompre le monopole qu’elles ont exercé jusqu’à présent sur les économies subsahariennes. Une deuxième vague d’indépendance n’est donc plus une utopie. Comme l’y invite le « populaire » peintre congolais Chéri Samba dans ses toiles riches d’idées, de questionnements autant que de couleurs, il est temps que « maman Afrique » accouche du bébé qu’elle a gardé dans son ventre cinquante ans durant !