Tradition Perdus dans les montagnes Alantika entre le Cameroun et le Nigeria, les Komas perpétuent leurs pratiques ancestrales : les femmes ne portent qu’une poignée de feuilles en cache-sexe et les sorciers-guérisseurs sont aussi arracheurs de dents ou pétomanes.
La tribu montagnarde des Komas, d’accès difficile, a été «?découverte?» au début des années 1900 par l’ethnologue allemand Leo Frobenius. Même aujourd’hui, au Cameroun, peu de gens savent qu’ils existent alors qu’un recensement de 1984 les évaluait à 3 000 âmes.
Transes grotesques
Ils vivent dans un environnement inhospitalier de montagnes arides et d’énormes rochers polis par les tempêtes de sable. Leurs villages, construits à flanc de montagne, se composent de petites huttes circulaires au toit de paille, reliées entre elles par des murets en terre ou des nattes de raphia. Chaque groupe de huttes abrite une famille. L’entrée se fait par la plus grande, la cuisine, donnant sur une courette intérieure entourée de trois ou quatre autres huttes : celle des parents, celle des enfants et celle des chèvres quand la famille est riche.
Alors que la modernité a atteint les plaines en contrebas, les Komas n’ont aucune attirance pour les vêtements, les ustensiles de cuisine en plastique coloré et autres accessoires contemporains partout visibles en Afrique – à la rare bassine chinoise près. Quelques hommes et jeunes gens seulement portent des vêtements dans certains villages depuis quelques temps.
Les Komas se subdivisent en quatre sous-groupes : Ritibés, Pambés, Gimbés et Dobés qui vivent dans des zones distinctes des montagnes Alantika et parlent différentes langues – ce qui fait qu’ils ne se comprennent pas. Il y a encore quelques années, si un enfant pambé naissait par le siège ou si, plus tard, ses dents du haut ne poussaient pas droit, on le tuait. Pour éviter cela, les Gimbés recueillaient et élevaient les enfants rejetés. Les mariages étaient possibles entre les différents sous-groupes, sauf entre Pambés et Gimbés puisque les Gimbés prenaient soin de quelques enfants de Pambés.
Les femmes-feuilles komas tirent leur nom des feuilles de kaïsedra qu’elles portent en cache-sexe. Elles en changent tous les deux jours. Leur « garde-robe » pousse en haut des arbres aux alentours du village. Elles n’ont qu’à se servir.
À 12 ans, les enfants doivent se soumettre à un rituel exigeant pour passer à l’âge adulte : les garçons sont circoncis par le sorcier-guérisseur. Celui-ci menace le jeune garçon circoncis de son arc et lui fait jurer de tenir ce rituel secret à toutes les femmes, même à sa mère. Après quoi, le garçon est éloigné du village, isolé pour une semaine. Aux filles, le sorcier-guérisseur arrache deux incisives supérieures. Celle qui s’y refuse n’aura pas le droit de se marier ni d’avoir des enfants. Puis, la jeune fille doit quitter le village et rester isolée trois jours, avec pour tout viatique une calebasse de nourriture accrochée au cou. Le rituel des squelettes est encore un événement religieux propre aux Komas. Les squelettes des ancêtres sont conservés dans des jarres funéraires, à demi enterrées au pied d’un arbre. Le sorcier-guérisseur les exhume périodiquement pour les laver et les purifier à la bière de mil, sous l’œil du chef de village.
Les danses sacrées sont plus réjouissantes : une vingtaine d’hommes, de femmes et d’enfants dansent en rond en se tenant la main, au son des tam-tams placés au centre du cercle. Au bout de quelques minutes, un (ou plusieurs) sorcier-guérisseur s’introduit dans le cercle en déclamant des paroles sacrées. Au paroxysme de la danse, le sorcier entre en transe et se livre à un très attendu numéro de pétomane : il baisse sa culotte, s’incline et déclenche une rafale de plus d’une centaine de pets d’affilée, au milieu d’un éclat de rire général ! Cette performance est provoquée grâce à une très spéciale décoction de feuilles bouillies préparée et absorbée avant le spectacle par le sorcier qui en garde la recette jalousement secrète.
Chants et bière de Nil
Les Komas fabriquent eux-mêmes leurs outils, haches et houes, et leurs poteries. La houe est un outil essentiel aux femmes pour préparer la terre avant de semer le mil. C’est aussi un objet de valeur. On a coutume d’offrir aux femmes une houe décorée en cadeau de mariage. Elles se pavaneront en la portant sur l’épaule lors des fêtes ou des cérémonies tout au long de leur vie.
Les hommes se livrent aussi au travail des champs et à la chasse à l’arc de petits mammifères. Ils prennent de temps en temps de petits singes dans leurs filets.
Décembre sonne le temps des récoltes. En février, le battage du mil est encore l’occasion de célébrations empreintes de magie et de religion, de travail collectif à grand renfort de chants et de bière de mil. La récolte de mil est entreposée dans une courette spécialement aménagée à cet effet et l’on a recours à la magie pour en éloigner les mauvais esprits. On bat le mil au fléau et on le tamise au grand vent. Le grain est alors stocké au grenier. La récolte doit pourvoir en nourriture (farine) et en bière toute la famille pour l’année à venir.
Les fêtes et cérémonies sont fréquentes, et encore plus quand le temps des récoltes s’achève. Chaque fête, rassemblement, travail collectif, enterrement, danse ou arrivée d’un visiteur fait couler des flots de bière dont la consommation semble faire partie des rites sociaux et sacrés. Pour chaque cérémonie, compter en moyenne huit litres de bière tiède par personne.