La richesse du tissage africain est connue, sa reconnaissance l’est beaucoup moins. Améliorer la qualité, promouvoir, générer les envies des créateurs : pour Angybell, styliste ivoirienne reconnue, l’objet d’un vrai programme.
Vingt ans qu’elle insuffle à la mode ivoirienne une touche très particulière. Cette modernité tranquille, nourrie aux tempos de son Afrique, mais tournée vers le monde. Angybell aime trop sa terre pour la garder recluse d’elle-même. Depuis ses premières collections, dans les années 1990, elle s’est attachée à valoriser la matière, le dessin, la simplicité des lignes. Très peu d’effets, mais un attachement à la couleur et au motif, né de ses voyages dans le pays. Petit clin d’œil de l’histoire, cette créatrice est aussi major de la prestigieuse École nationale d’administration (Ena) et haute fonctionnaire. « C’est en allant aux villages que j’ai découvert ce savoir-faire. Comment travaillait un couturier baoulé, la merveilleuse diversité des pagnes sénoufo et gouro, les motifs yakouba… C’était tellement beau, mais en même temps, les gens vivaient dans la misère. » Ce constat ne l’a plus jamais quittée.
Dans son atelier, installé sur les hauteurs résidentielles d’Abidjan, elle reçoit ce jour-là un jeune tisserand baoulé. Réunion de travail. Des étoffes qui s’ouvrent, bleues comme une encre de nuit. Des géométries, des treillis d’étoiles… Premières impressions aussi, réalisées avec des colorants naturels et de qualité. « Ce n’est pas le tissage qui porte aujourd’hui problème, mais plutôt la qualité des teintures. Si nous apprenons à nos artisans à teindre correctement, en utilisant les bons produits, les bons dosages, nos couleurs vont tenir et on pourra les exporter. Nous avons donc établi des contacts avec une grande entreprise chimique (Chimtec), pour que ses laboratoires travaillent sur l’idée de colorants naturels, issus du bois, des racines, afin de les rendre stables. Une fois cette recherche aboutie, on retourne dans les coopératives et on informe. »
Prochains défilés
Ce programme vient tout juste de débuter, mais l’intérêt des populations est fort. « La promotion du textile a cette ambition d’ouvrir nos artisans à la planète. C’est ce qui va se passer pour le pagne baoulé, avant que nous allions ailleurs. Chaque année, nous réaliserons trois motifs, à destination de la déco ou du vêtement, et ce sont des grands couturiers africains ou des designers qui vont les valoriser. Plusieurs grands défilés seront ensuite organisés en Côte d’Ivoire, puis sur Dakar, Niamey, et sans doute Paris… » Il y a quinze ans, Angybell brillait sur ces podiums. Elle habillait des stars, faisait connaître la beauté du raphia au monde entier. Sa prochaine collection est plus ambitieuse encore. Et si elle ne porte plus son nom, quelle importance ?
Texte et photos : Roger Calmé