Le président de la Commission de l’Union africaine propose une solution négociée, inédite, qui table sur la raison. Il la proposera à nouveau à Rome, au Groupe de contact.
Le président de la Commission européenne, Jean Ping, qui n’a pas caché son opposition à une solution militaire de la crise libyenne dès le départ, réaffirme, à la veille de la réunion du Groupe de contact sur la Libye, prévue à Rome le jeudi 5 mai, son appel pour une solution politique.
Dans une rencontre avec le quotidien du soir parisien, le Monde, Jean Ping dit craindre que « les armes distribuées en Libye se retrouvent entre les mains d'AQMI »
" Les craintes d'enlisement que nous avions au sujet de l'intervention de l'OTAN se révèlent justifiées.Dès que des femmes et des enfants sont tués, on est loin de la "responsabilité de protéger". Il faut arriver à une solution politique et cela suppose de parvenir à un cessez-le-feu. "
Pour M. Ping, le départ préalable du guide libyen ne doit pas, comme l’exige désormais les Occidentaux et les rebelles, être la condition de l’ouverture des négociations. " Il faut mettre ce départ dans la négociation, sinon, on bloque tout ", estime M. Ping, proposant que des discussions s'ouvrent à Addis-Abeba, siège de l'UA, sans la présence du Guide libyen, car " un cessez-le-feu ne se négocie pas entre chefs d'Etat mais entre militaires et plénipotentiaires ". Une fois la fin des combats obtenue, M. Ping prône une " transition inclusive et consensuelle " répondant à " l'aspiration légitime du peuple libyen à la démocratie ". Autrement dit, une gestion politique par des personnalités acceptées par les deux parties et excluant donc M. Kadhafi.
Pour le responsable de l'exécutif panafricain, les Occidentaux sous-estiment les effets déstabilisateurs du conflit libyen et raisonnent " à court terme "." Tout le monde arme tout le monde, dit M. Ping. Kadhafi distribue des armes à la population et les Européens aux rebelles. Ces armes se retrouveront tôt ou tard dans le désert entre les mains des terroristes d'AQMI – Al-Qaida au Maghreb islamique – . "
En outre, les pays frontaliers " subissent le choc du retour des millions d'Africains qui travaillaient en Libye ". La mort d'Oussama Ben Laden fait craindre au dirigeant de l'UA " des actes de représailles ", notamment en Somalie, au Soudan, au Kenya ou en Ouganda. " Cela devrait inciter l'OTAN à être plus prudente dans ses frappes ", dit-il en faisant allusion à l'intention prêtée à la coalition d'éliminer M. Kadhafi. M. Ping espère surtout que le risque islamiste incitera les Occidentaux à " faire plus de cas de l'Union africaine ". " Dans les pays arabes et africains aussi, dit-il, il y a une opinion publique. "
Jean Ping, contrairement au Secrétaire général de la Ligue arabe, l’Egyptien Amr Moussa, qui avait cautionné dès le départ la zone d’exclusion aérienne et demandé le départ de Kadhafi, a fait preuve dans la gestion de cette crise de perspicacité, de courage et d’esprit d’indépendance.