Selon le tout nouveau ministre burkinabè des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, Djibril Bassolé, la crise sociale, politique et militaire qui a eu raison du gouvernement de Tertius Zongo n’a rien à voir avec le soulèvement populaire qui a poussé le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali à quitter le pouvoir… Explications.
De passage à Paris le 14 mai, Djibril Bassolé s’est entretenu avec la diaspora sur la crise qu’a traversée le pays et qui s’est soldée par le départ du premier ministre Tertius Zongo et de son équipe. Rassurant, il a expliqué que des « mesures d’urgence » étaient en cours pour apaiser les tensions. Quant à l’aspect militaire des événements, le colonel-major de 53 ans a reconnuqu’il y a « beaucoup à faire pour améliorer le recrutement et la formation des jeunes ». Il y a 40 ans, a-t-il souligné, les soldats étaient de « braves paysans, très dociles ». Aujourd’hui, « ce sont des petits jeunes qui ont parfois poussé les études jusqu’à un certain niveau, qui ont une liberté d’expression, d’opinion. À mon avis, il faut que l’encadrement, la formation, le suivi, l’action de l’armée en général tienne compte de cette évolution ».
Mi-mai, une accalmie relative s’était installée au pays des Hommes intègres. Toutefois, l’opposition espère toujours un scénario à la tunisienne ou à l’égyptienne. Envisageable ? Djibril Bassolé n’y croit pas…
Lors de manifestations, certains marcheurs portaient des pancartes « Blaise dégage ». Le président Compaoré, également ministre de la Défense depuis le remaniement, a-t-il envisagé de quitter le pouvoir ?
Mais pourquoi le quitterait-il ? Non seulement le président ne l’a pas envisagé, mais il n’a même aucune raison d’écourter son mandat simplement parce que certains Burkinabè ont exprimé leur point de vue. Au cours des manifestations publiques, lorsque des Burkinabè marquent sur des pancartes « Blaise doit partir », c’est leur point de vue, ils ont le droit de l’exprimer. Mais nous avons aussi des lois, des institutions qui fonctionnent. Le président a été élu pour un mandat de cinq ans, et je crois que pour l’intérêt de la majorité des Burkinabè, pour l’intérêt du Burkina Faso, il doit aller jusqu’au terme de son mandat.
Les présidents tunisien et égyptien avaient été aussi « élus ». Cela n’a pas empêché la rue de les pousser vers la sortie. La situation au Burkina est-elle si différente ?
Je ne pense pas que les situations soient comparables, même si certaines personnes ont tendance à lire les événements au Burkina dans le prisme des autres événements, et en particulier ceux du monde arabe. Un collectif de partis d’opposition, le 30 avril, a appelé à manifester pour le départ du président Blaise Compaoré. Il n’a pas rassemblé plus de 300 personnes, selon ce que nous avons pu voir. Si 300 personnes, sur la population de Ouaga [la capitale, ndlr] qui est à peu près de 1,5 million, se rassemblent à la place de la Nation pour dire « Blaise doit partir », est-ce que c’est une réalité qui peut être comparable à celle de l’Égypte ou de la Tunisie ? Je crois que non. On n’en est pas là. Très honnêtement, je pense que la motivation première de ceux qui se sont manifestés était vraiment l’amélioration de leurs conditions de vie et l’établissement d’une justice pour tous.
Lors de votre passage en France, vous avez rencontré les Burkinabè de l’étranger pour notamment évoquer les événements qui ont secoué le pays depuis février. Prévoyez-vous de faire de même avec la diaspora installée dans d’autres pays ?
Compte tenu de la situation nationale, je pense que le plus pratique peut-être est d’organiser une assise spéciale à Ouaga des Burkinabè de l’étranger, afin que les différents représentants de notre diaspora puissent s’exprimer, être entendus et se donner leurs points de vue, leurs suggestions sur la façon de sortir de ce malaise social, et sur les moyens à mettre en œuvre pour améliorer ensemble l’image du Burkina Faso à l’extérieur. Je dois très rapidement programmer une rencontre avec nos ressortissants en Côte d’Ivoire, compte tenu de la taille de notre communauté et de la situation de sortie crise que nous connaissons dans ce pays. Et puis j’irai dans d’autres pays africains occidentaux où nous avons une forte communauté.