Neuf ans après le retour de la paix, le MPLA, réuni en congrès extraordinaire, a dressé un bilan positif de la reconstruction nationale et réitéré le succès de la politique de réconciliation nationale. En vue des prochaines élections de 2012, priorité est donnée au social. Quant à l’opposition, elle affûte ses armes pour reconquérir une partie de l’électorat perdu en 2008.
Deuxième producteur de pétrole du continent depuis 2008, l’Angola est à un tournant. Après avoir investi plusieurs milliards de dollars dans la remise en état d’un grand nombre d’infrastructures, notamment le réseau routier, chemins de fer, barrages, distribution d’électricité, hôpitaux, écoles, etc., il doit à présent répondre avec plus d’entrain à la pressante demande d’emplois, d’augmentation du pouvoir d’achat, d’octroi de crédits pour les petits producteurs agricoles, nouveaux entrepreneurs, etc. En somme, répondre à l’exigence d’une plus grande diversification de l’économie, d’élargissement des élites et de la classe moyenne, bref, d’une plus large redistribution de la manne pétrolière. Après les effets désastreux de la crise financière internationale qui avaient entraîné l’interruption de nombreux chantiers et d’importants arriérés de l’État à l’égard des compagnies contractées dans la construction, le pays devrait retrouver, en cette année préélectorale, des taux de croissance élevés (7,6 %).
Le président José Eduardo Dos Santos a promis une révision du budget de 2011, approuvé en octobre et fixé à 43 milliards de dollars, afin de le recentrer davantage sur les programmes sociaux et de réduction de la pauvreté. Casse-tête numéro un pour le gouvernement, le réaménagement des bidonvilles qui encerclent la capitale et où s’entassent quelque quatre millions de personnes. Les nombreux chantiers d’électrification, de réhabilitation des voies ou de creusement d’égouts dans ces quartiers surpeuplés n’ont eu que peu d’incidence sur le quotidien de ses habitants, tellement la tâche est gigantesque, nécessitant des interventions simultanées dans tous les domaines. Les abondantes pluies d’avril en ont encore fait la démonstration : des quartiers entiers ont été inondés et sont demeurés isolés pendant plusieurs jours. Le contraste est saisissant avec les grands travaux au cœur de la capitale et dans sa banlieue résidentielle et administrative, dont les effets rivalisent avec les plus modernes agglomérations des pays du Golfe, avec profusion de gratte-ciel et magasins de luxe. Les électeurs du MPLA ne sont pas indifférents à ces inégalités grandissantes et attendent, avec une meilleure répartition des richesses, une plus grande sévérité dans la lutte contre la corruption – priorité proclamée du gouvernement. Aussi, les investissements des grands groupes angolais à l’étranger, surtout au Portugal, où ils ont donné lieu à une formidable imbrication d’intérêts avec l’ancienne métropole dans les secteurs bancaires, des assurances et pétrolier notamment, ne sont pas toujours bien compris des militants. Les importantes liquidités engendrées par la rente pétrolière ne trouvant pas des débouchés immédiats dans un tissu productif national encore décousu ou embryonnaire, ils cherchent ailleurs une plus grande rentabilité. « L’Angola est dans la mondialisation ! », se défendent les investisseurs angolais.
Dans son discours au congrès, le président angolais a tenu à rappeler la réussite des politiques mises en œuvre à la fin du conflit – réalisées sans recourir au FMI – pour la stabilisation macro-économique et la réduction de l’inflation qui est passée de 120 % à environ 10 % actuellement. Ceci, a-t-il rappelé, a notamment eu pour effet d’ouvrir le pays au crédit international indispensable à son développement : de 424 millions de dollars octroyés à l’Angola en 2002, il en recevait 18 milliards de dollars en 2010. C’est grâce à ce flux que l’Angola est devenu le deuxième producteur africain de pétrole – et, notons au passage, le premier fournisseur de la Chine dont les entreprises sont parmi les principaux maîtres d’œuvre des grands travaux publics. Mais les efforts pour réduire la dépendance de l’or noir se sont révélés insuffisants.
Les atouts sont nombreux. La mise en valeur de l’énorme potentiel hydroélectrique – dont on tirera à l’avenir des revenus comparables à ceux du pétrole, selon des experts angolais – et agricole, qui, en dépit d’importants investissements publics et privés, demeure largement sous-exploité, et enfin le développement du secteur touristique, qui devrait dépasser en 2015 celui de l’extraction des diamants, contribueront au rééquilibrage de l’économie.
Quant aux plans de lutte contre la pauvreté, ils ont d’ores et déjà engrangé des résultats. Le dernier rapport conjoint de la Banque mondiale et du FMI sur les objectifs du Millenium place même l’Angola parmi les rares pays africains qui atteindront en 2015 « une bonne partie » des objectifs fixés. Mais l’Angola vient de loin. Ainsi, même réduite des deux tiers (selon les engagements exigés dans le cadre de ces objectifs) la mortalité infantile demeure relativement élevée. De même, précise le rapport, l’accès à l’eau potable a été significativement amélioré – au point que, en Afrique subsaharienne, seule l’Afrique du Sud a fait davantage de progrès en ce domaine que l’Angola – mais 50 % de la population angolaise est toujours privée de ce précieux bien. Un raisonnement similaire est valable pour l’éducation où le nombre d’élèves a été multiplié par quatre en quelques années, mais où la qualité de l’enseignement peut être questionnée comme le nombre d’enfants atteignant la fin du cycle secondaire et leur sexe. L’allégement de la pauvreté est réel, mais c’est un processus de longue haleine. La priorité ayant été donnée à la reconstruction physique de ce pays grand comme trois fois la France, où les effets prolongés de la guerre sur les régions agricoles les plus fertiles – abandonnées par quatre millions de personnes qui ont depuis regagné leurs foyers dans un état de pauvreté extrême – n’ont pas encore été surmontés. Le déminage des champs agricoles des régions du centre et du sud vient de commencer après la longue phase de déminage qui a concerné les voies de communication principales et secondaires. Mais l’impatience est palpable et le congrès extraordinaire du MPLA s’est déroulé alors que les incitations à s’inspirer des « révolutions arabes » fusaient dans les blogs d’Internet, créant une certaine tension.
L’écrasante victoire électorale de 2008 (81 %), qui a réduit l’opposition à peau de chagrin notamment l’Unita qui a perdu deux tiers de son électorat de 1992, a placé le MPLA en une position ultra-dominante. Ce qui est parfois perçu comme un retour du parti unique… La liberté de la presse est pourtant réelle, et constitue un puissant contre-pouvoir, surtout depuis que des publications sérieuses se sont frayé un chemin. Est-ce une garantie suffisante pour l’exercice des libertés démocratiques ? L’opposition ne le croit pas et surveille de près la mise en place des institutions encadrant les prochaines élections prévues au deuxième semestre 2012. Celles-ci se dérouleront au terme d’un mandat régulier et peuvent être considérées comme les premières de l’ère post-conflit. Elles seront également les premières qui se tiendront selon les dispositions de la nouvelle constitution qui a aboli l’élection présidentielle. Le premier candidat de la liste des députés du parti qui aura remporté le scrutin, sera automatiquement désigné comme le chef de l’État. Ce qui, dans l’esprit des législateurs, devrait écarter tout conflit entre légitimité parlementaire et légitimité présidentielle. Selon des constitutionnalistes sud-africains qui se sont penchés sur la constitution angolaise – tout à fait semblable à celle en vigueur en Afrique du Sud – cette disposition permet d’éviter que « tous les pouvoirs soient concentrés entre les mains d’un seul homme ». Reste à savoir si cela est destiné à préparer la succession du président Dos Santos, qui avait exprimé dans le passé son intention de ne plus se représenter. La réponse viendra lors du congrès ordinaire prévu en décembre prochain. Pour l’heure, le chef de l’État demeure le « candidat naturel » du parti au pouvoir. Afin d’assurer une transition en douceur, certains spéculent sur la possibilité que le président soit réélu mais qu’il se retirera à mi-mandat, au profit de son vice-président. Dans cette position stratégique pourrait se trouver Manuel Vicente, actuel PDG de la Sonangol, la compagnie nationale de pétrole, qui, après avoir été élu à la direction du parti, a annoncé son intention de quitter avant la fin de l’année, la direction de la première entreprise nationale.