Sur ses immenses affiches électorales dont certaines sont encore placardées sur des murs à travers le pays, Alassane Dramane Ouattara annonçait détenir des solutions pour le pays. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Désormais installé dans ses attributs de président de la République, Alassane Dramane Ouattara (ADO pour ses partisans) est plus que jamais attendu sur le terrain des solutions concrètes à apporter à la Côte d’Ivoire, suppliciée depuis une décennie et tragiquement défigurée par des violences post-électorales nées de la proclamation de deux vainqueurs différents par la Commission électorale indépendante et le Conseil constitutionnel ivoirien. Le dramatique épilogue de cette crise, par une campagne militaire des Forces républicaines de Côte d’Ivoire emmenées par Soro Guillaume fortement soutenue par la France ayant abouti à l’arrestation et à la déportation de l’ex-président Laurent Gbagbo, n’en a que plus compliqué l’équation à résoudre par le nouveau chef de l’État.
Alors qu’il avait tablé sur un processus civilisé de transmission du pouvoir à la tête de l’État, Ouattara s’est heurté à un Gbagbo convaincu d’avoir gagné et décidé à rester à la tête de l’État. Les combats entre pro-Ouattara et pro-Gbagbo ont laissé des traces, obligeant le nouveau président à revoir ses priorités. Lui qui voulait aller très vite sur les chantiers de la reconstruction économique du pays devra d’abord passer par la case sécurisation du pays et réconciliation entre Ivoiriens des différents bords politiques. Dès son premier message à la nation, Ouattara a en effet pris la bonne direction, en appelant à la réconciliation et en martelant que la guerre était terminée en Côte d’Ivoire. Que des exactions se soient poursuivies, que des pillages aient continué d’être perpétrés et que des tirs d’armes lourdes n’aient pas immédiatement cessé dans certains quartiers comme celui de Yopougon, un fief de Laurent Gbagbo, apportent la preuve qu’il y a encore du chemin à faire, avant qu’une vraie paix s’installe dans le pays, et principalement dans Abidjan. Last but not least, les divergences entre le sergent-chef putschiste de 1999 Ibrahim Coulibaly (désormais appelé général IB) qui a joué un rôle important dans le harcèlement des forces pro-Gbagbo à Abidjan, et le chef officiel de l’ancienne rébellion reconvertie en Forces républicaines de Côte d’Ivoire après l’intégration de soldats pro-Gbagbo déserteurs, font craindre de nouvelles flambées de violences dans une capitale économique où des miliciens pro-Gbagbo n’ont pas encore tous déposé les armes.
De la capacité de Ouattara à trouver rapidement des solutions à cette équation militaire, dépendra l’avenir du processus de réconciliation, indispensable à la reprise effective des activités économiques plombées par la crise. La question qui hante les esprits à Abidjan, note ce commerçant du quartier de Koumassi, lui aussi soumis à rude épreuve par les combats d’avril, est celle de savoir si ADO pourra mettre de l’ordre dans son propre camp, et ramener l’unité au sein des forces armées, afin de rétablir la confiance entre Ivoiriens. Aux dirigeants de l’armée de Gbagbo venus lui faire allégeance au lendemain de la chute de l’ex-président, Ouattara a donné des consignes fermes allant dans le sens d’une vraie implication de la police de la gendarmerie et des différents autres corps de l’armée dans le processus de normalisation de la vie publique. On attend les résultats.
Au plan symbolique, ADO devrait conforter sa légitimité acquise le 28 novembre dernier dans les urnes, par une prestation de serment moins austère que celle à laquelle l’état de belligérance de début décembre l’avait contraint. Ce devrait être dans la seconde quinzaine du mois de mai, en présence de plusieurs chefs d’État notamment de la sous-région ouest-africaine dont un seul devrait manquer à l’appel, le Gambien Yaya Jammeh qui, pince-sans-rire, considère toujours l’ex-président déchu comme le chef de l’État de Côte d’Ivoire.
Suivra alors un autre défi : la formation d’un gouvernement d’union nationale qui devrait enregistrer la participation de quelques figures modérées de l’ancien parti au pouvoir. Le parti de l’allié Bédié, à qui avait été promis le poste de premier ministre attend, lui aussi de pied ferme, ce gouvernement pour lequel des tractations ont déjà commencé.