Chacun des deux protagoniste fourbit ses armes et s’apprête à en découdre. La diplomatie ne peut de constater son propre échec.
Après l'échec de la diplomatie à résoudre la crise post-électorale, la Côte d'Ivoire apparaît plus que jamais sur la voie d'une confrontation entre les camps du chef d'Etat sortant Laurent Gbagbo et d'Alassane Ouattara, reconnu président élu par la communauté internationale.
Si M. Ouattara enregistre une éclatante victoire diplomatique, à l'intérieur la situation reste la même: installé au palais présidentiel, M. Gbagbo garde le contrôle de l'appareil d'Etat et de l'armée. Car l’Union africaine ne dit pas par quel moyen elle compte faire respecter ses décisions pourtant censées être "contraignantes". « La grande question, c'est le "comment" », souligne un conseiller de M. Ouattara, interrogé vendredi par l’Agence France Presse.
« L'UA est en train de laisser les Ivoiriens régler ça entre eux », tranche une source diplomatique africaine à Abidjan. Il semble bien que l’UA ait donné un feu vert, sans toutefois le dire explicitement, à Ouattara et à son Premier ministre, Guillaume Soro, chef de l’ex-rébellion, pour régler la question par des moyens militaires. D’ailleurs, les derniers événements des quartiers nord d’Abidjan prouvent qu’ils n’ont pas attendu l’UA pour se lancer dans les combats de rue. Les Nations unies estiment que cette guérilla a déjà fait près de 400 morts.
A Abidjan d'abord : dans le quartier d'Abobo, fief de M. Ouattara, des insurgés – baptisés "commando invisible" – ont désormais le contrôle de certaines zones, hérissées de barrages tenus par des hommes en armes. Ils défient les Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à M. Gbagbo, à qui ils infligent pertes en hommes et en matériel lors de combats à l'arme lourde. Selon des sources concordantes, il s'agirait surtout d'éléments des Forces nouvelles (FN), l’ex-rébellion qui tient toujours le nord du pays depuis 2002, et qui a porté le fer au cœur même de la ville du pouvoir.
Dans l'ouest du pays, au sud de l'ex-ligne de front de 2002-2003, les hostilités ont en outre recommencé entre FDS et FN, lesquelles ont réussi à reprendre deux localités et une ville, près du Liberia. Autant de revers pour le camp Gbagbo, sans permettre toutefois pour l'heure de dire qui aura l'avantage.
Mais "le pire est certain", souligne un expert qui relevait, au soir même du sommet de l'UA, la multiplication des incidents dans la capitale économique mais aussi à Tiébissou, à la frontière des zones sud et nord. "Toutes les mèches sont allumées pour un embrasement", assure-t-il.
Si Alassane Ouattara s'est montré confiant à Addis Abeba, voulant croire que son rival quittera "très rapidement" ses "fonctions usurpées", Laurent Gbagbo, absent de la réunion, n'a pas encore réagi en personne. Mais, selon des proches, il pourrait prendre la parole rapidement.
Dans son camp aussi, on se dit prêt à en découdre, au nom du respect de "la souveraineté" et de la Constitution. Et, même ébranlées par la crise et leurs récents revers, les FDS restent un atout majeur, renforcé par les milliers de "jeunes patriotes".
La guerre civile pourra-t-elle être évitée? Peut-être, avance une source militaire occidentale, imaginant un conflit limité dans le temps et l'espace. "Pour l'instant, aucun des deux camps ne bénéficie d'une mobilisation populaire, note-t-il. Le peuple, qui trinque à fond à cause de la dégradation de la situation économique, penchera vers le plus fort".