La rumeur va bon train dans les rues de Cotonou. Avant même la publication de résultats partiels, la presse donne ses estimations.
La commission électorale nationale autonome (CENA) du Bénin s’est donnée jusqu’au 17 mars pour fournir les grandes tendances du premier tour de l’élection présidentielle du 13 mars dernier. Depuis l’arrivée au siège de l’institution, à Cotonou, des premiers plis scellés renfermant les documents électoraux, elle s’active aux opérations de dépouillement. Conformément à la loi, c’est au Conseil constitutionnel qu’il appartiendra ensuite de proclamer les résultats provisoires puis définitifs, après examen d’éventuelles réclamations des candidats.
La presse n’a toutefois pas attendu le dénouement officiel de ce chronogramme pour livrer des « résultats », qui font d’ores et déjà monter la tension. Dès le 14 mars, ces résultats partiels et provisoires laissaient présager un second tour entre Thomas Boni Yayi, président sortant et Adrien Houngbédji, son challenger le mieux placé, duel très attendu par les états-majors des deux candidats. Mais aujourd’hui 15 mars, les journaux évoquent plutôt une possible victoire de Boni Yayi dès le premier tour. Selon Sagesse Info, « la victoire se confirme pour Boni Yayi dès le premier tour ». Le quotidien Tokpa titre dans le même sens : « La thèse du K.O se précise en faveur de Boni Yayi ».
Il n’en fallait pas plus pour faire réagir le perdant présumé. « Prétendue victoire au premier tour. Me Adrien Houngbédji dénonce « l’intoxication » de l’opinion », titre L’Autre Quotidien, qui reprend dans son intégralité la déclaration du candidat unique de l’UN (L’Union fait la Nation) à ce sujet. Morceaux choisis : « Nous sommes majoritaires dans le pays et nous sommes restés majoritaires. La majorité est restée à la majorité. Et, c’est pour cela que depuis quelques heures, une grande manœuvre d’intoxication a commencé par voie de tract, puis à la télévision et à la radio prétendant qu’il n’y aurait pas un second tour d’élection présidentielle ». Le leader de l’UN donne ses propres tendances : « dans l’Ouémé, une majorité consolidée de 80 %, dans le Plateau, une majorité accrue passée à près de 70 %. A Cotonou, nous sommes devenus majoritaires grâce à la dynamique de l’Union fait la Nation. Idem à Calavi et à Godomey. Dans le Zou où j’étais inexistant, je suis devenu majoritaire. Dans le Couffo où je n’existais pas, je suis devenu également majoritaire ». Me Houngbédji crie également à la fraude : « Dois-je rappeler également les bourrages d’urnes avec des bulletins pré-estampillés et des paiements en espèces trébuchantes sur présentation de bulletins vierges retirés des bureaux de vote ? Dois-je encore rappeler les milliers de bureaux de vote fictifs dus au fait que la liste des bureaux de vote n’a pas été non plus publiée ? ».
Des fraudes que n’ont apparemment pas vues les observateurs de la Cedeao et de l’Union africaine présents, qui se sont bornés à saluer le déroulement du scrutin dans le calme. Il faudra donc s’attendre à de multiples réclamations de la part du camp Houngbédji, comme du camp du troisième homme de ce scrutin, l’économiste Abdoulaye Bio-Tchané, qui n’aurait récolté selon les chiffres publiés par les médias béninois, qu’à peine 6 % des suffrages alors qu’il se voyait au moins en faiseur de rois, à défaut de figurer au second tour. La déclaration de celui qui se présentait sur ses affiches futuristes comme détenant « la réponse aux préoccupations » des Béninois est attendue dans les heures qui viennent.