L’opposant historique part avec un capital de voix obtenues au premier tour. Son adversaire se pose en garant de la continuité du président déchu Mamadou Tandja.
Le 12 mars, les Nigériens se rendent à nouveau aux urnes, dans le cadre du second tour de l’élection présidentielle. Elle met face à face l’ « opposant historique » et ex-Premier ministre El hadj Mahamadou Issoufou, 59 ans, à un autre ancien Premier ministre, El Hadj Seini Oumarou, 60 ans.
Arrivé en tête du premier tour avec 36 % des voix, Mahamadou Issoufou a obtenu plusieurs ralliements de taille qui le créditent, sur le papier du moins, d’un pourcentage évalué par l’intéressé lui-même entre 70 et 75 % des voix. Quant à son rival, Seini Oumarou, il estime que, pour ce second tour, les compteurs doivent être remis à zéro, dans une tentative visant à remobiliser son électorat. Les électeurs nigériens pourraient aussi, à l’occasion de ce scrutin, prendre largement en compte le parcours personnel des deux candidats pour les départager. Sur ce terrain-là aussi, Issoufou semble tenir la corde, avec son passé d’opposant historique et de militant de la démocratie qui aurait pu, depuis, accéder à la magistrature suprême, n’eut été le jeu trouble des militaires, dont le président déchu Mamadou Tandja sorti deux fois victorieux de confrontations électorales dans des conditions de transparence douteuses. Son passage comme Premier ministre a aussi été remarqué, Issoufou ayant initié des actions de développement, brutalement interrompues par les crises militaro-politiques à répétition. Quant à Seini Oumarou, si son passage à la primature a été également apprécié des Nigériens, sa proximité passée avec l’autocrate Tandja constitue pour lui un sérieux handicap.
Nombre d’observateurs sont ainsi convaincus que, sauf retournement brusque de situation, Mahamadou Issoufou devrait, cette fois, l’emporter. Pour mieux décider ses compatriotes, le leader du parti PNDS-Tarraya et vice-président de l’Internationale socialiste se présente comme « le candidat des démocrates et de la renaissance du Niger », avec un projet de société bâti autour de huit axes :
– bâtir des institutions démocratiques fortes ;
– assurer la sécurité des biens et des personnes ;
– relancer l’économie ;
– garantir la sécurité alimentaire ;
– construire les infrastructures et assurer l’indépendance énergétique du Niger ;
– promouvoir les secteurs sociaux de base comme la santé et l’éducation ;
– offrir du travail aux jeunes et créer les conditions d’une meilleure cohésion sociale.
Pour mettre en œuvre ces différents chantiers, Mahamadou Issoufou promet de mobiliser 6000milliards de francs CFA sur cinq ans « par l’action conjuguée du rendement fiscal, d’une dépense publique plus efficace et d’un accroissement sensible des ressources extérieures. » A l’en croire, 900 milliards seront alloués aux secteurs de l ’agriculture et de l’élevage « afin d’assurer la sécurité alimentaire, à travers l’initiative dite « 3N » (Les Nigériens nourrissent les Nigériens) et d’accroître les revenus des paysans et des éleveurs ».
Le candidat se propose aussi de débloquer 600 milliards de francs CFA (près d’un milliard d’euros) pour construire des infrastructures routières et énergétiques. Aux jeunes, il promet la création de 50 000 emplois par an.
En face, Seini Oumarou promet de « consolider les acquis et de poursuivre l’œuvre entamée par l’ancien président de la République Mamadou Tandja. » Pour le candidat de la continuité, qui se pose en restaurateur de l’ordre républicain interrompu par le coup d’Etat militaire du 18 février 2010 (sic), il s’agira, avant tout, de parachever les fameux « grands chantiers » auxquels tenait tant l’ex-président dont le port sec de Dosso, l’abattoir frigorifique ultra-moderne de Niamey, l’exploitation du bloc pétrolier d’Agadem et de la raffinerie de pétrole Diffa- Zinder, le barrage de Kandadji dans la région de Tilabéry, le gisement d’uranium dans celle d’Agadez… On se souvient que, pour justifier le hold-up constitutionnel qu’il s’apprêtait à perpétrer pour rester trois ans de plus au pouvoir au terme de ses deux mandats, en violation de la Constitution, l’ex président Tandja avait invoqué entre autres ces « grands chantiers que lui seul pouvait mener à terme. » Les Nigériens qui avaient, dans leur large majorité, désapprouvé les manœuvres de Tandja et accueilli les militaires putschistes en héros, voteront-ils pour la continuité avec un disciple déclaré de Tandja ou pour la rupture prônée par l’ « opposant historique » ? La réponse dans les urnes, le 12 mars.