Le président élu, en déplacement à Addis-Abeba pour discuter de la crise à laquelle il est confronté depuis trois mois, devra contourner l’interdiction de l’espace aérien ivoirien décrétée par son adversaire Laurent Gbagbo.
« Bon débarras », c’est ainsi qu’a réagi un proche conseiller du président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, sitôt confirmé le départ d’Abidjan du président élu selon la commission électorale ivoirienne, Alassane Dramane Ouattara. Le camp Gbagbo, qui s’était manifesté ces derniers jours en criant au « piège » ou au « complot » que représentait selon lui l’invitation lancée à Laurent Gbagbo de se rendre à Addis-Abeba, exhortant par la même occasion le sortant à ne pas s’y rendre, n’a pas tardé à dévoiler ses intentions réelles : empêcher par tous les moyens Ouattara de rentrer à Abidjan pour reprendre ses quartiers dans l’hôtel qu’il occupe depuis son élection contestée par un Conseil constitutionnel suspecté de partialité.
Dans un communiqué lu aussitôt à la télévision publique mercredi, le gouvernement de M. Gbagbo faisait savoir que « Les aéronefs de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci) et ceux de l'opération Licorne sont interdits de survol et d'atterrissage sur toute l'étendue du territoire de la République de Côte d'Ivoire ».
« Toute autre opération exceptionnelle de survol et d'atterrissage est soumise à autorisation préalable du ministre des Transports », précisait le texte qui justifiait cette mesure par la nécessité de « préserver l'intégralité et l'intégrité du territoire national ainsi que la sécurité des biens et des personnes ».
« Des scénarios ont déjà été élaborés par le camp Gbagbo, ses « jeunes Patriotes » et ses miliciens pour empêcher le président de rentrer, soutient un proche du gouvernement du Premier ministre Guillaume Soro, sous couvert d’anonymat. Les « forces républicaines » [nouvelle appellation de l’ancienne rébellion des Forces nouvelles, appuyées de soldats loyalistes qui auraient rallié Ouattara, ndlr], sont déterminées à garantir le retour du président de la république dans son pays. L’objectif ultime du camp Gbagbo serait d’entériner la partition de la Côte d’Ivoire, en obligeant ADO à vivre dans la moitié nord du pays sous notre contrôle et ainsi le faire passer pour le président du Nord. Mais ce stratagème ne passera pas, et nous mettons les Nations unies et l’Union africaine devant leurs responsabilités afin que le verdict des urnes soit respecté.
Vrai ou faux ? A Addis-Abeba où se tient la réunion du panel des cinq chefs d’Etat devant annoncer aux deux parties des mesures contraignantes pour sortir de l’impasse née de la double proclamation de deux vainqueurs différents du scrutin du 28 novembre, ce sujet n’est pas évoqué officiellement. Avant même que le contenu de la décision du panel ne soit officiellement connu, le représentant de Gbagbo, le chef de son parti Pascal Affi N’Guessan, a fait savoir qu’il rejetait par avance toute décision de l’UA sur ce dossier. Bien avant le départ de Ouattara pour prendre part à la réunion d’Addis-Abeba, un autre membre influent du camp Gbagbo, le président du Conseil économique et social Laurent Dona Fologo avait fait savoir qu’on ne négocie pas les résultats d’une élection.
Face à cet échec manifeste de ce qui était présenté comme « la médiation de la dernière chance » pour parvenir à une issue négociée du conflit, l’Union africaine et les Nations unies jouent désormais leur crédibilité en Côte d’Ivoire, estime un diplomate de la commission d’experts africains ayant évalué la situation à Abidjan. « Si les décisions annoncées pour contraignantes ne sont pas respectées, et si en plus, l’ONU et l’UA ne parvenaient pas à garantir le retour de Ouattara à Abidjan, fait savoir un fonctionnaire de la mission onusienne à Abidjan, il faut craindre que cette perte d’autorité ne précipite le pays vers la guerre civile tant redoutée ».