Dans ce pays enclavé du Sahel, parmi les plus pauvres du monde, les élections générales doivent rétablir un régime civil, un an après le putsch contre Mamadou Tandja.
Quelques jours après le premier tour du 31 janvier, Gousmane Abdourahmane, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), annonçait les résultats des scrutins, notamment les plus attendus : ceux de la présidentielle. En tête avec 36 % des voix, Mahamadou Issoufou, président du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), ancien premier ministre, ex-président de l’Assemblée nationale et député, est une figure bien connue de la scène politique nigérienne. Quatre fois candidat à la magistrature suprême depuis 1993, il a toujours été battu, notamment par Mamadou Tandja en 1999 et en 2004. Derrière lui, Seyni Oumarou, membre du Mouvement national pour la société de développement (MNSD), ancien ministre du Commerce puis de l’Équipement et enfin premier ministre du président dernièrement déchu, recueille 23 % des suffrages.
Les observateurs présents dans le pays lors du premier tour ont déclaré que les opérations électorales s’étaient déroulées dans une parfaite légalité et en toute transparence. Le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Jean Ping, a remercié le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie et son chef, le général Salou Djibo, pour avoir su mener à son terme le processus de retour du pouvoir aux civils. Il a également salué « la maturité du peuple nigérien et de ses différents acteurs politiques pour leur détermination à réussir la période de transition ». Ses paroles ont été fort bien accueillies, on s’en doute, par l’opinion et l’ensemble de la classe politique.
Le Niger en a-t-il fini avec l’instabilité ? Depuis la Conférence nationale de juillet 1991, qui a mis un terme au pouvoir militaire du général Ali Seybou, chaque tentative de restauration de la démocratie a suscité l’engouement d’une population malmenée depuis des lustres par les régimes militaires et les pouvoirs civils chancelants. En effet, les périodes « non militaires » n’ont guère tenu, à chaque fois, qu’une dizaine d’années. En 1993, l’élection de Mahamane Ousmane à la présidence, suivie par le cessez-le-feu entre les forces gouvernementales et les rebelles touareg du nord du pays, laissaient présager une période de calme. Las, en 1996, Ousmane était renversé par le colonel Ibrahim Baré Maïnassara, lui-même assassiné trois ans plus tard et remplacé par le major Daouda Wanké. Le retour des civils aux affaires s’est fait sous l’égide de Mamadou Tandja, élu pour un premier mandat en 1999, puis pour un second en 2004. Le pays voulait y croire, même après les premières déclarations de Tandja sur le « tazartché », la continuité en langue haoussa, qui signifiait en clair que le président avait bel et bien l’intention de prolonger indéfiniment le mandat que la Constitution lui interdisait de renouveler. Le fallacieux prétexte de la stabilité jouait à nouveau son rôle, mais les Nigériens ne se sont pas laissé faire. En mai 2010, le colonel Salou Djibo mettait un terme aux bons offices du chef de l’État.
Bien malin celui qui peut prévoir ce qui se passera demain, quel que soit le vainqueur du second tour de la présidentielle, prévu pour le 12 mars. Les rivaux de l’opposant historique, Mahamadou Issoufou, ont signé une « alliance pour la réconciliation nationale » qui devrait permettre à Seyni Oumarou d’arriver en rangs serrés pour combler son retard. À moins que les Nigériens n’aient pas oublié que si le président Tandja a pu mettre en œuvre son « tazartché », c’est qu’il avait derrière lui un parti habile en tripatouillages de Constitution et autres coups tordus. Remettre à nouveau les clefs du pouvoir entre les mains de ce parti pourrait être un triste bis repetita.