A une dizaine de semaines du congrès, qui sera probablement celui de la refondation, l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) se présente comme un « think; tank » en pleine ébullition, d’où va émerger son futur dirigeant.
Sur quelles bases entendez-vous faire de l’UPaDS le parti leader de l’opposition au Congo ?
Ce n’est pas facile car l’UPaDS n’a jamais été un parti d’influence, même lorsque Pascal Lissouba était chef de l’État. J’en veux pour preuve que jamais le Premier ministre n’a été issu de ses rangs. Charles David Ganao ou Bernard Kolélas étaient des hommes de compromis. C’est donc difficile de répondre et d’assumer tout ce qui s’est passé, en bien comme en mal. Le parti, aussitôt créé, est arrivé au pouvoir, il n’a pas eu le temps de se structurer ni de s’implanter. Il a une base militante, c’est vrai, mais pas de hauts responsables. Nous avons essayé de revenir sur la scène politique en 2006 avec un rassemblement de groupuscules. Nous nous sommes retrouvés dans un conglomérat au sein duquel les luttes pour le leadership étaient féroces. Il nous a fallu quatre ans pour parvenir à un début de résultat. Nous avons créé le FPOC (Front des partis d’opposition du Congo) qui repose essentiellement sur l’UPaDS et l’UDR Mwinda. Ensemble, nous avons formé l’Alliance pour la nouvelle république (ANR).
Quelle est la prochaine étape ?
Nous allons créer ce que les Anglais appellent un shadow cabinet. Au niveau de la nation, nous devons être la réplique du gouvernement, quel qu’il soit, pour débattre des problèmes de fond. Nous voulons constituer une alternative crédible en matière de propositions, de projets de société sur le plan national et même au niveau international. Dans toute l’Afrique – au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Ghana, en Afrique du Sud, en Algérie – partout où il y a des partis socio-démocrates, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, nous allons signer avec eux des accords de coopération. La qualité de nos travaux doit être reconnue, y compris en France, en Belgique, au sein de l’Union européenne et, pourquoi pas, jusqu’aux Etats-Unis.
N’est-ce pas un peu ambitieux ?
Pourquoi pas ? J’ai l’ambition de faire de l’UPaDs un parti moderne, reconnu, ouvert sur le monde extérieur. Pascal Lissouba restera le président fondateur, mais il faut un président exécutif, peu importe le nom qu’on lui donne. Il faut en tous cas mettre fin à la confusion, à cette nébuleuse de dirigeants dont aucun n’a le moindre pouvoir, ni le moindre sens de l’organisation. Il le faut aussi parce que ça nous protège. La répression arrive facilement, dès lors que les intérêts des uns ou des autres sont menacés… Dissoudre un parti et emprisonner ses membres est une pratique répandue.
Est-ce une stratégie de reconquête du pouvoir ?
Le terme de reconquête a une connotation revancharde, or il n’y a pas de revanche à prendre. Le Congo a suffisamment de problèmes comme ça : il est sous-peuplé, entouré par de grands pays. Kinshasa à elle seule est cinq fois plus peuplée que l’ensemble du Congo. Nous devons travailler ensemble pour exister dans notre environnement sous-régional, et surtout pour relever le défi du développement.
Qu’est-ce qui va faire que ça va marcher, alors que depuis vingt ans, avec un cours du pétrole brut qui plafonne, on n’y soit pas parvenu ? On ne peut pas tout expliquer par les affaires de captation des richesses par une classe politique…
C’est le problème de fond. Depuis vingt ou même cinquante ans, nous n’avons toujours pas compris qu’au centre du développement, il y avait l’homme. L’homme, selon l’expression des humanistes, doit être à la fois initiateur, développeur et bénéficiaire du développement. Si on ne place par l’homme au centre du développement, on rate l’objectif. Or chaque fois, l’homme a été oublié en termes de respect, de prise en compte et d’utilisation. Certes, il y a eu des propos démagogiques, mais sur le plan pratique, il ne s’est rien passé. Utiliser les compétences existantes, créer les compétences de demain, cela signifie l’éducation et la formation mais aussi la bonne gouvernance, une gestion des ressources rationnelle et des institutions permettant de structurer et d’arbitrer.
Que proposez-vous ? Une nouvelle république comme potion miracle ?
Pour libérer les énergies, le président français François Mitterrand a décentralisé la France. Il n’y a pas de meilleure façon d’utiliser les ressources humaines, l’énergie et l’imagination que de desserrer l’étreinte d’un gouvernement centralisé. Dès lors, dans un cadre institutionnel approprié, on obtiendra tout ce qu’on n’a pas obtenu depuis vingt ans. Si l’éthique est respectée, tout est possible.
C’est la spirale vertueuse…
Oui, mais regardez le débat autour des biens mal acquis. Quelles que soient les décisions qui seront rendues par la justice, on ne peut que constater que nous sommes face à un déficit démocratique. La spirale vertueuse serait de considérer que la plupart des personnes concernées se sont comportées comme si l’État était leur propriété personnelle, ou familiale, ou clanique. Dès lors, on peut réclamer que l’inventaire des biens personnels de chaque responsable politique soit régulièrement publié. Mais à long terme, cela ne résout rien. Il faut revenir à l’éthique individuelle et collective. Une fois encore, mettre l’homme au centre des décisions. Regardez la France : entre De Gaulle et Nicolas Sarkozy, sur le plan du comportement personnel, c’est le jour et la nuit et pourtant on est dans le même système institutionnel. Il faut moderniser nos esprits et définir ce que nous voulons partager, si c’est d’abord de l’argent ou d’abord des valeurs morales, et si l’un ne peut pas être conditionné aux autres.
Revenons donc à la population congolaise : décentralisation, formation de nouvelles compétences, comment mettre en place un tel système sans que ce soit long et coûteux ?
À mon avis, il faut faire comme les autres pays émergents : ils ont utilisé la diaspora. On ne peut pas laisser tant de compétences aux Etats-Unis, en Europe, partout même en Afrique. Un rapide inventaire de la diaspora peut permettre de trouver les personnes opérationnelles tout de suite. Ce qui n’empêche qu’il faut aussi une politique suivie de formation et d’éducation. Et même de coopération car on n’est pas obligé d’avoir chez soi toutes les universités et les écoles de formation nécessaires. On peut envoyer des étudiants dans les autres universités africaines. C’est excellent pour le brassage des cultures. On peut se contenter, dans un premier temps, d’une formation du primaire à la terminale et dans les filières techniques. Cette réflexion est une partie d’un ensemble de propositions que va désormais pouvoir faire l’UPaDS en direction de l’actuel gouvernement. Il est juste que notre énergie et que nos propositions puissent bénéficier aux Congolais sans attendre.
Il vous faut quand même franchir une dernière étape, celle du Congrès…
Bien sûr. Je crois que la déclaration de réunification du parti va lever beaucoup d’hypothèques, simplifier la gouvernance et permettre une meilleure cohérence en s’implantant de façon rationnelle dans le pays. Ainsi pourra-t-on mieux prendre en compte les besoins et les désirs de la population, sur le terrain. Le congrès devrait se tenir fin mars. Qui prendra les commandes ? J’aimerais être celui-là, si c’est mon équipe qui gagne.