Le Collectif des forces du changement (CFC), alliance des partis d’opposition au président sortant François Bozizé, conteste le résultat, encore provisoire, des élections législatives et présidentielle qui se sont tenues dans le pays le 21 janvier. Ils vont déposer un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle, sans grand espoir de le voir aboutir. C’est peut-être dans la rue que va se jouer le deuxième tour de ces élections.
A l’élection présidentielle, tenue comme prévu le 21 janvier, les premières estimations donnent toujours quelque 80 % des voix sur le plan national au président sortant, François Bozizé. Eût-il eu 70 ou même 55 % que la surprise n’en serait pas une, tant ses opposants s’attendaient à des fraudes massives. « Tout de même, voir arriver l’ancien président Ange-Félix Patassé en deuxième position avec, paraît-il, 6 % des voix et les deux autres candidats, Jean-Jacques Demafouth et Martin Ziguélé, ex-aequo à 5 %, c’est incroyable… », confie un fin connaisseur de la politique centrafricaine. Une opinion confirmée par l’un des intéressés, Jean-Jacques Demafouth : « J’ai un score semblable à celui que j’ai réalisé 2005 en étant à l’extérieur du pays. Or cette année, j’ai mené une excellente campagne de terrain et mes compatriotes s’y sont montrés très réceptifs ».
Parmi les nombreuses irrégularités relevées, il est à noter que les militaires, qui devaient voter 48 heures avant la population, ont voté le jour même de l’élection. Leur présence dans les bureaux de vote a été perçue comme une intimidation par les électeurs, incités de ce fait à voter Bozizé. Par ailleurs, on ne compte plus les cas de bourrages d’urnes et les listes électorales trafiquées. Certains votants ont été attrapés par des militants de l’opposition en possession de plusieurs centaines voire, pour un cas, d’un millier de cartes d’électeurs. D’autres citoyens, quoique régulièrement enregistrés, n’ont pas pu voter faute de carte. Les urnes réglementaires ont été remplacées par d’autres urnes, déjà remplies et les résultats eux-mêmes ont été trafiqués. Jean-Jacques Demafouth a fait état de son propre score dans sa ville natale de Sibut : « Mon père y habite, ainsi que deux oncles qui ont chacun deux femmes. On pourrait croire que j’obtiendrais une vingtaine de voix… je n’en ai eu que trois ! Impossible ! ». Ces irrégularités ont été confirmées par les observateurs, en particulier ceux de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
Martin Ziguélé, Emile Gros Nakombo et Jean-Jacques Demafouth ont tenu une conférence de presse le 25 janvier pour dénoncer cette « mascarade d’élection ». Ils ont présenté aux journalistes une liste des fraudes relevées par leurs partisans. Ils contestent, bien sûr, les résultats et s’apprêtent à déposer un recours en annulation auprès de la Cour constitutionnelle. Hélas, celle-ci étant aux mains exclusives du pouvoir, ils n’ont pas grand espoir d’être entendus. Ce sera donc peut-être dans la rue que se jouera l’acte principal de ces élections.