Comores Un cas unique : l’une de ses îles, Mayotte, a voulu rester française quand les trois autres se déclaraient État indépendant en 1975. Et l’une des trois, Anjouan, a fait sécession et réclamé son rattachement à la France en 1997.
À l’époque, déjà, dans les années 1990, certains anciens en Afrique le laissaient entendre : « La vie était bien meilleure sous la colonisation. » Les jeunes, qui ne l’avaient pas connue, ne pouvaient s’exprimer sur la question mais trouvaient qu’on vivait bien mal sous l’indépendance. De là à vouloir regagner le giron des anciennes colonies… Il y avait un pas que la dignité obligeait à ne pas franchir. Quelle ne fut pas leur surprise lorsque, en juillet 1997, apparut sur les écrans des télévisions une foule d’Africains, recouverts des couleurs de la France, réclamant la sécession de leur pays, les Comores, et leur « rattachement » à l’ex-puissance coloniale ! Ces rattachistes d’Anjouan, l’une des trois îles formant ce qui était alors la République fédérale islamique des Comores (Grande Comore, Mohéli, Anjouan), avaient même décrété unilatéralement, le 3 août, leur « indépendance ». Presque une première en Afrique, et même dans le monde.
Presque, parce que les seuls exemples de « rattachement » sont justement venus de cet archipel à l’histoire complexe. Déjà, quelques années auparavant, Mohéli avait sporadiquement demandé son rattachement à la France. Laquelle prit bien soin, comme plus tard avec Anjouan, de faire la sourde oreille à ces revendications – qui n’en étaient pas moins soutenues par des politiques et affairistes français. Mohéli se joignit d’ailleurs au mouvement sécessionniste d’Anjouan en 1997. Les Comores se sont disloquées une première fois au moment de l’indépendance, en 1974. La France a alors sous sa tutelle les quatre îles de l’archipel, avec Mayotte. C’est la plus ancienne des îles colonisées, assujettie en 1841 quand Mohéli l’a été en 1886, les deux autres en 1892. L’administration coloniale de l’archipel s’établit à Dzaoudzi, à Mayotte, bien contente d’être débarrassée des liens de vassalité et des guerres incessantes que se livrent depuis des siècles les îles sœurs. L’île se considère déjà, comme la « fille aînée » de la France dans la région.
« Rester libres et français ! »
Lorsqu’en 1958 elle perd son statut de capitale administrative au profit de Moroni, sur la Grande Comore, et que les Comores deviennent un territoire d’outre-mer, c’est la consternation. Dzaoudzi va alors tout faire pour être un département d’outre-mer, contrairement au souhait de Moroni. Les rapports se tendent entre les deux îles. Les pro-français s’activent à Mayotte sur le thème : « Nous voulons rester français pour rester libres ! » Début 1970, Moroni regarde d’un œil bienveillant les indépendances sur le continent. Elle veut en être. La France consent à un référendum sur la question. Mais, sous la pression des députés et sénateurs acquis à la cause de Mayotte, la métropole décide que les voix seront comptabilisées par île, non en prenant en compte l’ensemble « Comores ». Le 22 décembre 1974, Mohéli, Anjouan et la Grande Comore votent à plus de 99 % en faveur de l’indépendance. Mayotte, elle, la rejette à 63,8 %, souhaitant « demeurer au sein de la République française ». L’intégrité territoriale de l’archipel, dont les îles ne sont distantes que de quelques dizaines de kilomètres, a explosé.
Le 6 juillet 1975, Moroni proclame unilatéralement l’indépendance de la république des Comores. C’est le début de la tourmente pour l’État souverain qui va de coup d’État en assassinat politique, cornaqué directement par l’« affreux » Bob Denard. À côté, Mayotte, perfusée par la France, semble toujours plus stable, toujours plus riche. Son PIB notamment est neuf fois plus élevé qu’aux Comores. À la mi-1997, Mohéli et Anjouan n’en peuvent mais : elles se prononcent pour leur recolonisation. Puis, devant l’absurdité de cette revendication, et, sans rejeter l’option confédérale avec les autres îles, Anjouan se déclare indépendante. Une autre longue crise de l’État comorien – rebaptisé Union des Comores en 2001 – commence, qui verra Anjouan regagner les institutions décentralisées de l’archipel. Mayotte, elle, réalisera son « rêve » de dépendance absolue : en 2011, elle deviendra le 101e département français.