La décision du procureur de la CPI de délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre des dirigeants libyens a provoqué l’ire de l’Union africaine.
Le 17ème sommet ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine tenu à Malabo en Guinée équatoriale a été à la hauteur des attentes. Il a maintenu sa position initiale, à savoir qu’il revient aux Libyens, et à seuls, de se mettre autour d’une table pour négocier une sortie politique de la guerre civile alimentée par les puissances occidentales et certains de leurs supplétifs du Golfe (Emirats arabes unis et Qatar).
Mieux encore, l’UA, rompant avec l’hypocrisie générale ambiante, a dénoncé l’utilisation par certains pays, de la Cour pénale internationale, à travers son procureur, Luis Moreno-Ocampo, comme un chien d’attaque contre les pays africains. Ainsi après le Soudan et son président Omar al-Bachir, ce même Moreno-Ocampo s’est attaqué à la Libye et à son dirigeant Kadhafi, avant même d’entamer une enquête judiciaire digne de ce nom.
L’UA se révèle stupéfaite de la manière cavalière avec laquelle ce procureur a traité l’affaire libyenne, au moment où une lueur d’espoir d’une solution politique pointait à l’horizon.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé que « les Etats membres (de l’UA) ne coopéreront pas à l’exécution du mandat d’arrêt » et demandent « au Conseil de sécurité des Nations Unies de mettre en œuvre les dispositions de l’Article 16 du Statut de Rome », en vue d’annuler le processus de la CPI sur la Libye.
L’UA note que « le mandat complique sérieusement les efforts visant à trouver une solution politique négociée à la crise en Libye, qui abordera également, dans un souci de renforcement mutuel, les questions liées à l’impunité et la réconciliation »
Lors de la conférence de presse marquant la fin du sommet, le président de la Commission, Jean Ping, a dénoncé le fait que la CPI « ne condamne que des Africains, elle ne juge que des Africains. En Afghanistan, au Pakistan, à Gaza, en Tchétchénie, au Sri Lanka n’y a-t-il pas d’autres problèmes ? Pourquoi s’en prendre uniquement aux Africains ? Voici la question qu’on se pose ».
« Il existe trois tribunaux internationaux (Yougoslavie, Sierra Leone, Rwanda) Vous voyez [les magistrats] comme Moreno-Ocampo à la télévision en train de parader. On lui demande de dire le droit, pas de faire la politique. Comme l’a dit un dirigeant : « Ocampo, it’s a joke » [c’est une blague, ndt] », a-t-il poursuivi. Au total, 31 pays africains sont signataires à la CPI, ce qui représente près du tiers des nations où son mandat est applicable. Le malaise à propos de la CPI est néanmoins grandissant en Afrique, où la cour est perçue comme un instrument du néocolonialisme par certains dirigeants africains.
La CPI a délivré des mandats d’arrêt contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, son fils Seïf el-Islam et le chef du renseignement, Abdullah el-Senoussi, pour des crimes contre l’humanité en Libye depuis le 15 février.« S'il (Kadhafi) sait qu'il n'a nulle part où aller, il se battra jusqu'à la fin. Il aimerait mieux mourir que de subir un procès », a déclaré un diplomate occidental, qui a demandé l'anonymat puisqu'il n'est pas autorisé à discuter avec les médias.
La position on ne peut plus claire de l’UA contre la CPI porte un coup fatal à cette cour réduite à une simple caisse de résonnance médiatique et à son procureur, Luis Moreno-Ocampo à un « chien d’attaque », voire à « un clown » dont la prestation ne fait même pas rire.
Le chef du cabinet de Kadhafi, Bashir Saleh, a applaudi la décision de l'UA. Pendant que les chefs d'état sortaient d'une assemblée sur la Libye tenue derrière des portes closes pendant toute la journée du 1er juillet, Saleh brandissait une copie du document de l'UA. Les membres de l'UA ont invité les parties impliquées dans le conflit à prendre part à des discussions qui débuteront sous peu à Addis-Abeba et qui visent à mettre sur pied un gouvernement de transition qui dirigera le pays jusqu'à ce que de nouvelles élections puissent avoir lieu. «C'est un problème libyen, a déclaré Saleh. Et ça doit rester une affaire libyenne.»
(avec les agences)