On imagine mal Marc Ravalomanana, président élu de la République malgache du 6 mai 2002 au 17 mars 2009, qui fut l’un des hommes les plus riches du pays, casser des cailloux jusqu’à la fin de ses jours.
C’est pourtant bien aux travaux forcés à perpétuité que l’a condamné par contumace la Cour criminelle du palais de justice d’Antananarivo, le 28 août 2010. Coupable de « meurtre et complicité de meurtre » dans la tuerie du 7 février 2009 qui a fait une trentaine de morts et de nombreux blessés. La garde présidentielle avait alors tiré sans sommation sur la foule qui se dirigeait vers le palais présidentiel, encouragée par Rajoelina, alors opposant – qui connaissait pourtant les risques. Des témoins ont affirmé, lors du procès, que Ravalomanana, alors ébranlé par un mouvement populaire, avait bien donné l’ordre du massacre.
L’ancien président n’est pas le seul à tomber : sur les dix-huit personnes comparaissant, quatorze ont été condamnées à la même peine, dont le général Raoelina. Les simples exécutants ont été relaxés et les intermédiaires écopent de peines légères.
Protégé dans son exil sud-africain – il n’existe pas d’accord d’extradition entre l’Afrique du Sud et Madagascar –, Ravalomanana a trouvé la sentence « ridicule ». Persuadé que le jugement n’est destiné qu’à empêcher son retour sur la scène nationale, en pleine crise politico-institutionnelle. Ce n’est pas faux.?Mais c’est dire, aussi, combien celui qui a été le premier d’entre eux fait peu de cas de la vie de ses concitoyens. Conforté sans doute par les précédents, toujours restés impunis, de ses devanciers : insurrection dans le Sud affamé en avril 1971 sous Tsiranana (entre 50 et 1 000 morts selon les versions) ; révolte étudiante de mai 1972 sous le même (26 morts) ; mobilisation populaire d’août 1991 sous Ratsiraka (12 morts) ; prise de la primature en mars 2002 sous Ratsiraka (6 morts).
Sans doute la condamnation de Ravalomanana va-t-elle momentanément compliquer le processus de sortie de crise, puisqu’il a donné son nom à une mouvance qui compte. Et la concomitance du procès avec la Conférence nationale n’était pas fortuite, Rajoelina (qui a lui aussi sa « mouvance ») consolidant ainsi sa position sans qu’il semble impliqué dans l’exclusion de son rival. Pour autant, fallait-il continuer à empêcher la justice de se prononcer ? On attend maintenant qu’elle prouve son indépendance en mettant en cause celui qui a mené le troupeau à l’abattoir le 7 février 2009. Aux partis, et non aux « mouvances », de prendre le relais politique.