L’empire du milieu accepte les contraintes liées à la réduction de l’émission des gaz à effet de serre.
La Chine a créé l’événement, le 4 décembre, à la Conférence de l’ONU sur le changement climatique, à Durban (Afrique du Sud) en annonçant qu’elle était d’accord pour accepter les aspects contraignants du protocole de Kyoto en matière de réduction de gaz à effets de serre. Signataire du protocole de Kyoto qu’elle a ratifié en 2002[1], elle n’était, jusqu’alors, tenue à aucune obligation. Seuls les pays industrialisés identifiés dans ce qu’on appelle l’Annexe 1, sont soumis à obligation, considérant que l’émission massive de CO2 dont on voit les effets aujourd’hui sur les dérèglement climatiques, a été provoquée par et s’est développée depuis la révolution industrielle au 19ème siècle. Compte tenu de l’explosion industrielle des pays émergents, il est clair que ce paramètre n’est plus acceptable aujourd’hui sous cette forme et que le concept d’Annexe 1 et d’Annexe 2 doit être revu.
En réaffirmant sa volonté de prolonger le protocole de Kyoto au-delà de sa date limite en 2012 et d’en accepter les contraintes, la Chine, deuxième pollueur en CO2 après les États-Unis, a renforcé sa position en tant que négociateur. Mais elle pose des conditions. « Le programme de réduction d’émissions pour les pays développés dans la deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto doit être décidé de façon claire le plus rapidement possible », a déclaré Xie Zhenhua, ministre chinois responsable des questions climatiques. Le gouvernement a proposé de réduire de 40 à45% son intensité carbone d’ici 2020. Il a déclaré que son pays demande à l’Union européenne ainsi qu’à d’autres pays développés de prendre de nouveaux engagements dans le protocole de Kyoto. La Chine souhaite, également, la mise en place d’un processus progressif visant à faire passer le Fonds vert pour le climat (Green Climate Fund) de 10 milliards annuels à 100 milliards, à partir de 2020. Le Fonds vert pour le climat, destiné à aider les pays en développement à faire face aux dérèglements climatiques qu’ils vivent, pour certains, au quotidien, a été décidé à Cancun (COP16) l’année dernière mais n’a jamais été opérationnel. Le rejet américain et la réserve de certains autres pays à Durban, sont, cependant, venus briser l’espoir des pays en développement. Ce sera une nouvelle bataille au menu des prochains sommets ou rencontres intermédiaires, n’en doutons pas. « La contribution des pays en développement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre doit être soutenue par les nations plus riches, par le biais de transferts de technologie, d’une aide financière et d’une formation adéquate des ressources humaines », a déclaré Jacob Zuma en exhortant les pays développés à prendre leurs responsabilités.
La délégation chinoise devait rencontrer les Européens pour préciser sa position tandis que les délégués européens oeuvrent à faire accepter leur proposition de « feuille de route » qui prévoie la prolongation du protocole de Kyoto comme période de transition vers un nouveau accord global dans le futur proche, sous conditions, notamment d’une application égalitaire entre pays industrialisés, émergents et en développement. L’Europe est le troisième producteur de CO2. Elle s’est engagée à une réduction de 20% d’ici 2020, qu’elle passerait à 30% si d’autres pays s’engageaient dans la même démarche.
À Durban, la position américaine n’est plus aussi facile que lors des sommet précédents. À Copenhague, notamment, où Barack Obama avait mené le jeu, au grand dépit de Nicolas Sarkozy qui avait été obligé de s’aligner, finalement. Il est clair qu’aujourd’hui la Chine veut désormais quitter Durban avec du « concret » et que le temps des manipulations et tractations « à tous les étages » est passé. Les États-Unis se trouvent, donc, de plus en plus isolés. Producteurs de plus du quart des gaz à effets de serre de la planète, ils voient l’émission de CO2 augmenter de 1,5% chaque année. À la demande de George W. Bush, ils avaient quitté le protocole de Kyoto en 2001. Pour Greenpeace et les organisations internationales non gouvernementales présentes à Durban, et pour nombre de délégations qui le pensent tout bas, les États-Unis, seuls non signataires du protocole, devraient se retirer du processus des négociations. « Si les États-Unis sont incapables de voir la voie à suivre, nous les appellerons à sortir du chemin et à laisser le reste du monde aller de l’avant », a déclaré Kumi Naidoo, directeur exécutif de Greepeace.
Du côté des pays du sud présents à Durban, il y a urgence à trouver un accord. « Pour beaucoup de personnes dans les pays en développement et en Afrique, le changement climatique est une question de vie ou de mort », a déclaré Jacob Zuma, le président sud-africain, dans son discours d’ouverture. Les États insulaires très vulnérables, également, ont réclamé « d’urgence un accord sur le climat », estimant que la volonté des plus grands émetteurs de CO2 de retarder le temps des décisions constituait « une trahison envers les populations les plus vulnérables face au changement climatique. »
PETITES EXPLICATIONS POUR MIEUX COMPRENDRE
COP17 : 17ème Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique. On parle plus souvent de « Conférences » ou « sommets » sur le changement climatique
Objectif global du protocole de Kyoto : pour limiter la hausse des températures à 2°C, il faudrait les réduire entre 25% et 40% entre 2013 et 2020. Aujourd’hui, la réduction moyenne pour 38 pays riches entre 2008 et 2012 a été de 5,2% depuis 1992.
Les enjeux : prolonger le protocole de Kyoto après 2012, rendre opérationnel et renforcer le Fonds vert Climat.
Qui s’oppose à la prolongation du protocole de Kyoto ? Certains pays développés, dont le Canada, le Japon et la Russie, et bien sûr les États-Unis (même s’ils ne sont pas signataires !). L’Union européenne et l’Australie y sont favorables sous condition de le rendre contraignant pour les pays émergents dont la Chine (qui vient d’annoncer qu’elle était d’accord, sous conditions également)
Engagements actuels de réduction d’émission de gaz à effets de serre pour la période 2012-2020 :
– États-Unis, Canada : 3%
– Chine : 40 à 45%
– Union européenne : 20 à 30%
– Japon : 25%
– Russie : 15 à 25%
[1] Contrairement à ce que nous avions écrit dans le précédent article publié sur le site d’Afrique Asie.