Le recensement est considéré comme « raciste » et « discriminatoire » par la population noire.
Le recensement national décidé par les autorités mauritaniennes suscite interrogations et protestations de la part des populations noires – Toucouleurs, Ouolofs, Soninkés et Bambaras – de Mauritanie. Le mouvement « Touche pas à ma nationalité » dont les initiateurs sont originaires de ces ethnies, le conteste fortement, estimant que son objectif est en réalité d’exclure administrativement les Négro-Mauritaniens de leur pays. Il est demandé, entre autres, à ces ressortissants, de produire des certificats de naissance du père, de la mère, des extraits ou bulletins de naissance de l’arrière grand-père, sachant qu’à l’époque coloniale, jusqu’à son indépendance, le 28 novembre 1960, la Mauritanie était administrée depuis Saint-Louis du Sénégal en tant que territoire de l’Afrique occidentale française (AOF). Après les affrontements entre Noirs et Maures arabo-berbères dans les années 1990 et l’exode massif des Négro-mauritaniens qu’ils ont provoqué, alors que la pratique de l’esclavage est toujours dénoncée par les institutions internationales, que l’exclusion sociale reste forte, que sont toujours pratiquées arrestations et torture des militants ayant dénoncé l’injustice sociale et le racisme, les Négro-Mauritaniens incapables de produire leurs documents craignent de devenir des étrangers dans leur propre pays. Les affrontements avec la police, les arrestations et l’expulsion de quinze manifestants ouest-africains, les condamnations de Mauritaniens à des peines de prison ferme n’ont pas calmé les esprits, au contraire. Selon Abdoul Birane Wane, coordinateur du mouvement, les étrangers arrêtés n’avaient pas participé à la manifestation. « Leur arrestation est une manœuvre pour décrédibiliser notre mouvement en faisant croire à des manipulations extérieures », a-t-il déclaré. Ses propos sont confirmés par l’Association des ressortissants sénégalais en Mauritanie, qui précise que ces Sénégalais ont été arrêtés chez eux ou sur le chemin du travail. La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et l’Association mauritanienne des droits de l’Homme (AMDH) ont exprimé leur inquiétude face à « la répression violente de manifestations pacifiques (qui) n’est pas la réponse que l’on peut attendre d’un État de droit ».
Pour le ministre des Affaires étrangères sénégalais, Me Madické Niang, l’État mauritanien est souverain dans sa décision de recenser sa population. « Nous laissons les États déterminer, en toute souveraineté, les moyens pour connaître qui sont leurs citoyens », a-t-il déclaré sur la radio Rfm. Il ne s’est pas prononcé sur l’arraisonnement de pirogues saint-louisiennes par la Mauritanie, ni sur le gel de l’octroi de licences de pêche à des pêcheurs sénégalais. Il a insisté sur la bonne qualité indispensable des relations entre les deux pays. « Nous sommes condamnés à être ensemble, nous avons eu le même passé, nous avons le même présent et demain nous aurons le même avenir », a-t-il affirmé. Les relations entre les deux pays avaient été rompues en 1989, après les événements meurtriers qui avaient entraîné les expulsions massives des deux côtés du Fleuve Sénégal.