L’ancien président de l’Assemblée nationale quitte le FPI tout en laissant son empreinte sur les décisions en cours.
Fin d’une hypocrisie politique ! Idéologue et activiste reconnu dans son parti, le Front Polaire Ivoirien (FPI), grande gueule à la fois adulé et contesté, Mamadou Koulibaly (MK) ne laisse personne indifférent.
En 2007, il est président de l’Assemblée nationale et n’hésite pas à ruer dans les brancards. L’accord de paix de Ouagadougou signé par l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo ? Une capitulation face à la rébellion, un faux fuyant qui n’amènera pas la paix. La gouvernance ? Un vœu pieux. Les refondateurs, ses amis, sont à ses yeux trop occupés à se remplir les poches pour répondre aux nombreuses attentes des 22 millions d’Ivoiriens, dont la moitié n’a droit qu’à un repas par jour. MK, rebelle? Les « patriotes », partisans farouches de Gbagbo, n’ont plus assez de mots pour le dire. Il représente leur parrain officiel, leur capitaine « courage ». Ses attaques contre la rébellion et contre la France ont force de loi. Le CFA, monnaie coloniale ? C’est lui, depuis toujours. Quand en 2003 des députés de son bord sont « un pied dedans et un pied dehors », MK est le seul à se mettre en selle contre l’accord signé à Paris avec la rébellion. Même le très « patriote » Charles Blé Goudé ne peut que nuancer ses critiques à son propos. « Mamadou Koulibaly est un chef qui se trompe de combat », soupire-t-il. MK, égaré ? Dans l’opposition, beaucoup en sont convaincus : « Mamadou Kouliably s’est trompé de parti ». Mais il maintient sa ligne : les soldats Français veulent renverser Gbagbo ? Encore lui, en 2004.
La tragédie qui a émaillé la présidentielle de 2010 montrera un MK plutôt mal aimé dans sa propre famille. Lorsqu’en effet il prend la tête du FPI en avril 2011, après l’arrestation de Laurent Gbagbo, tous reconnaissent que le patron de l’hémicycle est dans son rôle et à sa place. Numéro trois du parti, il n’a pas usurpé son poste, puisque les numéros un et deux que sont Abdoulaye Dramane Sangaré et Simone Gbagbo sont en résidence surveillée ainsi que le président du FPI, Pascal Affi Nguessan. L’ancien dauphin de Gbagbo apparait aussi comme le meilleur interlocuteur du moment pour le président Alassane Ouattara. Parce qu’il n’a pris part ni aux campagnes électorales guerrières du second tour de la présidentielle, ni à la sanglante confiscation du pouvoir, MK est l’homme de la situation.
Seulement voilà : fidèle à lui-même, le député s’engage sur la voie d’une autocritique interne. L’avenir du FPI sera ce que ses dirigeants auront retenu comme leçon de la défaite électorale et de l’épisode sanglant qu’elle a engendré. Des dents grincent, comme c’est souvent le cas. Pour éviter le piège de la chaise vide, MK met le cap sur une entrée de son parti au gouvernement d’union nationale voulu par Alassane Ouattara. Surtout, il rompt les amarres avec l’idée qui voudrait que la libération de Gbagbo soit un préalable à toute action des socialistes. Ce qui à ses yeux est loin d’être « un programme politique ». Las ! Les caciques exilés le désavouent. Les camarades sur place le boudent. Pris à partie par son propre camp, il doit lâcher du lest. Le 25 mai, à l’issue d’une assemblée générale extraordinaire, il récite donc ce que les faucons ont décidé : « le FPI n’entrera pas au gouvernement afin de jouer son rôle d’opposition ». Ceux qui le voyaient courir tout droit chez Gbagbo en seront cependant pour leurs frais. « Gbagbo, dit-il, ne viendra pas vous sauver ». C’est l’évidence même, et pourtant, ça ne passe pas chez ses détracteurs tapis dans l’ombre, qui y voient un manque de solidarité envers les «camarades en prison ». Ça tombe bien. MK est à bout de souffle, il estime qu’il est allé avec le FPI « jusqu’à l’extrême limite de ce que sa conscience pouvait accepter ». Il annonce alors la création de son parti, Liberté pour la démocratie et la république (lider).
Concert de surprise et d’indignation, on pleure le camarade qui s’en va, mais nul ne le retient. Les « résistants » n’opposent aucune résistance. On n’est pas d’accord avec l’adieu, mais on en « prend acte ». Plus qu’un devoir, une ingratitude ! La démonstration d’estime à minima prouve combien le partant était mal aimé, ce qui lui donnait le mauvais rôle. Et d’ailleurs, son successeur hérite, lui, du beau rôle. Miaka Ouréto ne fait que reconduire les mots d’ordre de l’ex-compagnon. Ses premières décisions : le parti de Gbagbo « prêt à demander pardon » et il « ne fait pas de la libération de Gbagbo un préalable à la réconciliation ». Impensable. L’entrée au gouvernement est même à nouveau envisagée. On prévoit une audience avec le président Alassane Ouattara. Finalement, les socialistes ivoiriens du FPI entendent continuer leur chemin sans Gbagbo. Tout ce que le leader de Lider n’avait pu faire accepter. « On se retrouvera dans l’opposition » a même gentiment annoncé Miaka. Mieux valait donc un MK dehors que dedans. C’était écrit.