Cette fois, il ne sera pas question du papillon (dont le battement d’aile suffit à déclencher une crise à l’autre bout du monde), mais de l’abeille (1).
Pas parce qu’elle produit du miel, mais parce qu’elle « pollinise, c’est-à-dire qu’elle diffuse, gratuitement, la vie » ! Une heureuse métaphore qui permet à notre auteur, Yann Moulier Boutand (2), d’explorer les solutions pour sortir du présent chaos financier, économique, social et environnemental, annonçant un « changement systémique ». Rien de moins. L’ouvrage propose « tout à la fois une petite histoire de la finance, une analyse de la crise contemporaine et une tentative de prospective ». Surtout, il met les pieds dans le plat et explore « sept idées iconoclastes ». L’auteur défend notamment la taxation universelle de toutes les transactions financières, internes comme externes (banques, compagnies d’assurance, fonds de placement), y compris le cash retiré des distributeurs bancaires, à hauteur de 0,5 % à 1 % sans progressivité, car « elle permet d’asseoir un impôt simplifié sur la richesse créée dans la circulation ». Un impôt unique et direct qu’il justifie ainsi : « Nous avons basculé dans une économie où effectivement ce n’est pas la production du miel ni le produit marchand qui sont le fondement de la vraie richesse. La production de richesse, c’est la pollinisation à la fois écologique, intellectuelle et humaine. » Il faut donc de déplacer « le centre de l’intérêt de l’économie politique sur la nouvelle nature de la richesse (vers la pollinisation, la coraillisation, la réseautisation) ». La mise en place d’un tel système fiscal présenterait, entre autres, l’énorme avantage de contrôler tous les flux financiers. Certes, « la finance de marché a de beaux jours devant elle », affirme Yann Moulier Boutang, mais des solutions existent : « À partir du moment où l’on pose que la société humaine n’est pas régie uniquement par la question de l’accumulation indéfinie de richesses, on sort du capitalisme ! »
Bref, un livre qui tient en haleine, qui ne se contente pas de condamner la scandaleuse finance mais apporte de sérieuses pistes de réflexion, y compris pour les pays du Sud et émergents à qui il entend redonner toute leur place. Ajoutons à cela un style plutôt sympa et vous comprendrez qu’il faut à tout prix se procurer cet ouvrage « pollinisant ».
(1) L’Abeille et l’économiste, Yann Moulier Boutang, Éd. Carnets Nord,
256 p., 18 euros.
(2) Économiste et enseignant, il a écrit plusieurs ouvrages, dont Le Capitalisme cognitif en 2008.