Les forces de l’Otan peinent à tenir dans la durée, malgré un mandat renouvelé jusqu’en septembre.
Après environ trois mois de bombardements, le régime de Tripoli est, contre toute attente, encore debout. Il se permet même de mener des offensives contre les rebelles soutenus par des « experts » étrangers, notamment français et britanniques. Il vient aussi de rejeter toutes les « offres » d’exil, notamment celle de la Turquie, gouvernée par le parti islamique AKP.
A en croire les rebelles,les forces loyalistes auraient pilonné samedi 11 juin Ghadames, à quelque 600 km au sud-ouest de Tripoli, a-t-on appris de sources rebelles.
"Les bataillons de Kadhafi pilonnent la ville archéologique de Ghadames pour la première fois depuis le déclenchement de la révolution" le 15 février, a indiqué une source rebelle, mais l'AFP n'a pu vérifier ces informations de source indépendante. Ghadames, connue sous le nom de "Perle du désert", est l'une des plus anciennes villes de la région pré-saharienne. Située à la frontière de la Tunisie et de l’Algérie, elle est inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1986. En diffusant de telles informations invérifiées, les rebelles cherchent sans doute à discréditer le régime de Kadhafi auprès de l’opinion internationale.
Par ailleurs, les forces pro-Kadhafi continuaient de pilonner la zone de Dafniyeh dans la région de Misrata, ville portuaire rebelle à 200 km à l'est de Tripoli, a indiqué la rébellion sans faire état de victimes.
Vingt personnes ont été tuées et plus de 80 blessées dans un violent bombardement vendredi 10 juin dans le même secteur par les forces du régime, toujours selon les rebelles.
Sur le front de Djebel Nafoussa (ouest), les rebelles ont signalé des combats et des bombardements les 10 et 11 juin notamment dans les régions de Kekla et Bir Al-Ghanam.
Ils ont également fait état d'une tentative des forces de M. Kadhafi d'entrer dans la ville de Yefren dans la même région, faisant état de "violents affrontements", sans autre précision.
La Turquie, membre de l’Otan, après avoir condamné les bombardements occidentaux, semble actuellement acquise à leur stratégie. Elle cherche à obtenir diplomatiquement de Kadhafi ce que ces trois mois de bombardements n’ont pas réussi à obtenir. Elle a ainsi tenté de le convaincre de s’exiler. Selon le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, le colonel Kadhafi "n'a pas d'autre solution que de quitter la Libye, avec une garantie qui lui sera donnée (…) Nous lui avons dit que nous apporterions notre aide pour qu'il soit envoyé là où il le souhaite". "Selon la réponse qu'il nous donnera, nous soumettrons cette question à nos alliés (de l'Otan), mais malheureusement, nous n'avons pas reçu de réponse jusqu'à présent", a-t-il ajouté.
Seul pays musulman de l'Alliance, la Turquie ne participe pas aux raids aériens visant depuis le 19 mars le régime de M. Kadhafi, qui refuse de quitter le pouvoir et reste combatif malgré les sanctions internationales, son isolement et les frappes de l'Otan.
Faisant fi des pressions, le régime célébrait ainsi samedi 11 juin à l'aéroport militaire de Miitiga le 41ème anniversaire de "l'évacuation des bases américaines" de Libye, à grand renfort de groupes folkloriques et de chefs de tribus.
Le 11 juin 1970, quelques mois après l'arrivée au pouvoir du colonel Kadhafi, les troupes américaines étaient contraintes de quitter le pays et d'évacuer les bases militaires qu'elles occupaient, notamment celle de Miitiga à l'est de Tripoli.
Dans le même temps, la capitale était pourtant la cible de nouveaux raids de l'Otan. Des détonations puissantes ont été entendues entre 16H00 (14H00 GMT) et 17H00 depuis le centre de la capitale, survolée en début d'après-midi par des avions de chasse, selon un journaliste de l'AFP.
Par ailleurs, l'Otan, qui a prolongé son mandat de trois mois jusqu'à fin septembre, a visé vendredi 17 cibles du régime dans cette région, ainsi que 5 dans la zone de Misrata, et 4 à Ras Lanouf, site pétrolier situé à 370 km à l'ouest de Benghazi, et repris par les pro-Kadhafi fin mars.
Des chasseurs britanniques ont eux détruit vendredi 10 juin quatre chars "cachés dans un verger" près de la ville d'Al-Aziziyah au sud-ouest de Tripoli, selon le ministère de la Défense. Les Tornado et Typhoon de la Royal Air Force ont également bombardé une base militaire à Al-Mayah près de la capitale.
Sur le front humanitaire, trois nouveaux bateaux de migrants partis de Libye sont arrivés sur l'île italienne de Lampedusa avec 667 personnes dont des femmes et des enfants, et quatre autres devaient encore arriver, selon les gardes-côtes italiens.
Près de 900.000 personnes ont ainsi pris le chemin de l'exode depuis le début du conflit en Libye qui a fait des milliers de morts, selon des agences de l'ONU.
L’intensification des frappes n’a pu cacher l’impasse stratégique dans laquelle l’Otan est engagée. Sous le titre : « Le cruel révélateur de l'intervention en Libye », le quotiden du soir Le Monde dans son édition du week end écrit : « Il ne faudrait pas que l'affaire libyenne dure encore plusieurs mois. Pour le peuple libyen martyrisé par son dictateur, bien sûr. Mais pas seulement. Les lendemains risquent d'être douloureux pour les armées européennes qui participent à cette intervention. »
Dans cette intervention qui dépasse le cadre permis par la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’Onu, le Monde poursuit : « Trois nations en donnent le tempo : les Etats-Unis, acteur hors catégorie par sa puissance, la France et le Royaume-Uni. Seize autres pays jouent les seconds rôles, pour ne pas dire les figurants. Il ne faut pas leur en vouloir, a tenu à dire le secrétaire américain à la défense, Bob Gates, le 9 juin, qui, pour la énième fois, appelait les Européens à "partager le fardeau" de la sécurité mondiale : « Franchement, bon nombre de ces alliés restent à l'écart, non parce qu'ils ne veulent pas participer, mais simplement parce qu'ils ne peuvent pas. Les moyens militaires ne sont tout simplement pas là. »
L’éditorialiste du Monde dresse un tableau sans complaisance de l’impuissance des pays occidentaux engagés dans cette expédition libyenne. « La France s'est vantée d'avoir été la première à frapper, le 19 mars. Elle fait remarquer à ses alliés plus frileux qu'elle assume ses responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Nos avions et nos bateaux sont partis à l'heure, avec des hommes prêts à servir, disent les chefs militaires. Mais demain, préviennent-ils, ce sera une autre affaire. Ainsi, comme l'admettent sans fard les responsables de la marine nationale, si le porte-avions Charles-de-Gaulle est engagé en Libye jusqu'à la fin de 2011, il devra s'arrêter totalement en 2012. »
« Car les armées européennes, pourtant ultramodernes et ultra-coûteuses, ne savent plus durer. Les Rafale français dépendent des ravitailleurs américains. Les F16 danois n'ont plus de munitions après deux mois de frappes. Les Typhoon britanniques n'ont pas assez de pilotes qualifiés. Plus traumatisant pour cette grande puissance maritime, une bonne part de ses navires actuellement au combat dans le monde sont voués à la casse dans le cadre de la réforme budgétaire en cours. »
Cet état pitoyable des armées interventionnistes va-t-il finalement pousser l’Otan à accepter une sortie politique du conflit, comme le préconise l’Union africaine depuis toujours ?
Avec les agences