Qu’a dit le président syrien aux Ulémas musulmans du Liban ?
Le quotidien libanais Al-Akhbar, proche de la résistance mais assez indépendant et très professionnel, lève le voile dans son édition du 2 décembre 2011, sur une partie des discussions que le président syrien avait eu une délégation du Rassemblement des Ulémas musulmans au Liban le 30 novembre dernier.
Concernant la relation avec les Frères musulmans, le président Assad a révélé qu’à plusieurs reprises, le régime syrien ouvert la voie au dialogue avec cette confrérie, mais ce dialogue n’a pas donné de résultats parce que les Frères musulmans campaient sur leurs positions. «Aujourd’hui nous ne sommes pas prêts à dialoguer avec eux, à moins qu’ils renoncent à ce qu’ils sont en train de faire». Assad fait la distinction entre les Frères musulmans en Syrie et le Hamas en Palestine (un mouvement issu des Frères musulmans palestiniens, lui-même très proche des Frères musulmans égyptiens), qui bénéficie du plein soutien de la Syrie.
Le plus étonnant dans cette rencontre c’est la reconnaissance par le président syrien de certaines erreurs commises par le régime vis-à-vis de la mouvance islamique.
«Les islamistes ne forment pas un seul bloc homogène », reconnaît le président syrien. « Ils sont très divers. Même au sein des salafistes, on trouve des takfiri (qui rejettent tous ceux qui ne pensent pas comme eux et les considèrent comme des infidèles) ; comme on trouve des courants qui se contentent de faire de la prédication. Il y a aussi les Frères musulmans et les soufis ». « Notre erreur aura été d’avoir traité tous ces courants de la même manière forte, pourchassant même ceux qui parmi eux ne menacent aucunement la stabilité ou la sécurité de la Syrie. On a ainsi fermé de nombreux instituts religieux. La Syrie, qui constituait dans le passé, un pôle d’attraction pour les étudiants et chercheurs en théologie et études supérieures islamiques, venant de tous les pays arabes et islamiques, n’accomplissait plus ce rôle. »
Au sujet du Liban, le président Assad affirme qu’il n’est pas informé des détails de la politique intérieure libanaise, «mais il semble que le gouvernement actuel poursuivra sa mission». Il est rassuré quant à la stabilité libanaise. Quand la crise syrienne sera résolue, le Liban traversera une étape plus détendue, surtout que le monde entier se concentre aujourd’hui sur la Syrie, «mais nous recevons les coups et les contenons».
«Notre combat n’est pas contre les Arabes, mais contre ceux qui manipulent les pays arabes aujourd’hui», a-t-il ajouté. Il a assuré que «les dirigeants arabes viendront en fin de compte présenter leurs excuses à Damas». Selon lui, les Etats-Unis essaient de couvrir leur retrait de l’Irak en provoquant des problèmes en Syrie.
Affirmant que la Syrie ne reculera pas dans le dossier des réformes, le président Assad a précisé que l’Occident ne veut pas les réformes. Les pays occidentaux seraient même prêts à fermer l’œil sur les réformes si la Syrie se soumettra aux dictas formulés par l’ancien secrétaire d’Etat américain Colin Powell. Rappelons que ce dernier, de retour de l’Irak après son invasion en 2003 par les troupes américaines, s’est rendu à Damas pour la sommer à rompre son alliance avec l’Iran, laisser tomber le Hezbollah libanais, expulser les organisations palestiniennes de Syrie et ne pas aider la résistance irakienne dans son combat contre l’occupation américaine de l’Irak. Bachar al-Assad avait alors rejeté ces dictats en bloc.
Concernant les sanctions économiques, il a indiqué qu’elles affecteront la Syrie, certes, mais elles n’auront pas un effet catastrophique.
La position russe est stratégique, a encore dit le président Assad. La Russie se tient aux côtés de la Syrie et ne reculera pas. Aucun prix que l’on pourrait offrir à la Russie ne compenserait la perte de la Syrie, qui signifierait concrètement la sortie définitive de la Russie du Moyen-Orient.
La Turquie ne peut pas imposer ses dictats à la Syrie. Ankara se plonge dans une affaire qui dépasse son poids régional. Assad répète toutefois que le combat est essentiellement contre l’Occident.