Il est dans l’intérêt des forces en présence dans la région que la Syrie demeure aux mains de Bachar al-Assad.
Après les sanctions économiques imposées par la Ligue arabe à la Syrie, Moscou a réagi en appelant à un dialogue entre le régime et l’opposition. Comme l’opposition extérieure, particulièrement le Conseil national syrien (CNS), rejette toute négociation autre que celle devant porter sur la reddition du régime et le transfert du pouvoir, Moscou n’a pas caché sa colère, accusant cette opposition et ses sponsors occidentaux de vouloir conduire la Syrie à la guerre civile. Il faut rappeler que la Russie avait invité une délégation du CNS dans le but de l’amener à ouvrir un dialogue avec le régime, mais elle a été confrontée à un niet catégorique.
Tout en poussant les deux parties à conclure un compromis historique, la Russie, suivie par la Chine et l’Iran, ont désormais la certitude que les pays occidentaux, suivis par la Turquie, cherchent en fait, non pas à faire cesser le bain de sang ou à des réformes substantielles, mais à renverser le régime actuel et à le remplacer par un régime islamiste.
Moscou a bien compris que, une fois cet objectif atteint, la Turquie (qui va accueillir une base de l’Otan dans le dispositif du bouclier anti-missile) aura, grâce à son alliance avec le nouveau pouvoir islamiste sunnite en Syrie, toute latitude pour déstabiliser la Russie à travers ses républiques islamiques. Idem pour la Chine, qui sent venir le danger de la déstabilisation dans sa province turcophone, la région autonome ouïgoure du Xinjiang, appelée également Turkestan oriental.
La chute du régime al-Assad va également priver la Russie de sa base navale à Tartous, la seule dont elle dispose encore en Méditerranée.
De son côté, l’Iran est conscient que la probable chute de son allié syrien va aboutir, à terme, à la liquidation du Hezbollah libanais, puis à la fin du régime pro-iranien en Irak. Assiégé, son propre renversement ne serait alors qu’une question de temps.
On comprend pourquoi on assiste actuellement à la constitution d’un front autour de la Syrie composé par ses deux voisins immédiats : le Liban et l’Irak. Ces deux pays ont annoncé haut et fort qu’ils ne respecteront pas les sanctions de la Ligue arabe. Ce front sera soutenu par la Chine, la Russie et l’Iran. Non pas par amour pour le régime syrien qu’ils appellent de leurs vœux à réformer, mais pour se protéger eux-mêmes de la déferlante islamiste-atlantiste.