Le Liban et l’Irak refusent de s’y joindre. La course vers l’abîme est amorcée.
La Ligue arabe a adopté dimanche 27 novembre des sanctions économiques sévères contre la Syrie officiellement pour « la contraindre de faire cesser la répression sanglante de la révolte contre le régime », en fait pour l’obliger à rompre son alliance avec l’Iran décrété par Israël, les pays occidentaux et leurs supplétifs du Golfe comme l’ennemi à abattre. Le Liban et l’Irak, en se dissociant de ces mesures réduisent leur portée. En forçant la main à la Ligue arabe, les monarchies du Golfe favorisent ainsi, sans le vouloir, la mise en place d’un grand marché moyen-oriental composé autour de la Syrie par le Liban, l’Irak et l’Iran. Un marché, adossé sur les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et d’autres pays d’Amérique du Sud et d’Asie, qui vident ces sanctions de leur contenu.
La Syrie, de son côté, peut riposter, en bloquant ses frontières terrestres au transit en provenance et vers les pays du Golfe. Dans ce bras de fer économique, il n’y a pas que la Syrie qui sort perdante. La Turquie, la Jordanie et les monarchies du Golfe laisseront des plumes.
Les perdants directs dans ce bras de fer, seront la Turquie et la Jordanie.
Notons que c’est la première fois que la Ligue arabe, qui a abandonné pratiquement sa politique de sanctions contre l’occupation israélienne, qui impose des sanctions économiques d'une telle ampleur à l'encontre de l'un de ses membres, et non des moindres, puisqu’il s’agit de la Syrie, membre fondateur de la Ligue.
Ces sanctions, adoptées lors d'une réunion des chefs de la diplomatie arabes au Caire, comportent un gel des transactions commerciales avec le gouvernement syrien et de ses comptes bancaires dans les pays arabes.
Elles comportent également une interdiction de voyager dans les pays arabes pour des responsables syriens dont la liste reste à déterminer ainsi que la suspension des liaisons aériennes entre les pays arabes et la Syrie. La date de l'entrée en vigueur de cette dernière mesure sera fixée la semaine prochaine. La Syrie peut riposter en interdisant son espace aérien aux compagnies aériennes desservant les pays qui imposent de telles sanctions.
Parmi les mesures adoptées figurent aussi le gel des transactions financières avec le gouvernement et la Banque centrale syriens et l'arrêt de financement de projets arabes en Syrie.
Ces mesures doivent entrer en vigueur "immédiatement", a précisé le Premier ministre qatari Hamad ben Jassem al-Thani, dont le pays mène la cabale contre la Syrie, avec l’Arabie saoudite et la Turquie.
L'économie syrienne est déjà affectée par des sanctions européennes et américaines et les mesures de la Ligue arabe risquent de l'ashpyxier davantage, la moitié des exportations et près d'un quart des importations de la Syrie se faisant avec les pays arabes.
Comme en Libye, la Ligue arabe, que les manifestants et les médias syriens qualifient désormais de « Ligue hébraïque », sert ainsi de couverture à une intervention étrangère. Des plans sont déjà à l’étude. Comme ceux avancés par Alain Juppé, en connivence avec le Conseil national syrien, une marionnette entre les mains des Frères musulmans et des Occidentaux, prévoyant la création de « couloirs humanitaires ». Une idée qui a fait sursauter le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov qui a demandé des éclaircissements à son homologue français Alain Juppé.
L’idée a même surpris les responsables de l’Onu en charge du dossier humanitaire et qui n’en voient pas l’utilité. La Turquie même, qui se joint aux sanctions de la Ligue arabe, n’en est pas encore, du moins officiellement, à ce stade. Avec ses 800 kilomètres de frontières avec la Syrie, et la relance de la lutte armée des Kurdes du PKK, les dirigeants islamistes turcs hésitent toujours à franchir le pas. Avec leur doctrine de « zéro ennemi », ils risquent d’avoir sur le dos la Syrie, les Kurdes, les Arméniens (alliés historiques de la Syrie), l’Irak et l’Iran.
C’est dans ce contexte qu’il faudra lire le « message » iranien adressé peu avant la réunion de la Ligue arabe au Caire le 27 novembre à la Turquie qui y a pris part et qui s’est dit prête à en appliquer les décisions.
Que dit ce message ultimatum iranien ?
"Si nous sommes menacés, nous comptons d'abord prendre pour cible le bouclier de défense antimissile de l'Otan en Turquie. Et ensuite nous nous en prendrons à d'autres cibles". L’ultimatum est du général Amir Ali Hajizadeh, commandant des forces aériennes des Gardiens de la Révolution.
S'adressant à des unités de la milice des Bassidji à Khorramabad (ouest), le général Hajizadeh a affirmé que la position de l'Iran était dorénavant "de répondre aux menaces par la menace", conformément à une directive émise ce mois-ci par le Guide suprême de la Révolution, l'ayatollah Ali Khamenei.
Les forces dirigées par le général Hajizadeh sont chargées des systèmes de missiles des Gardiens de la Révolution.
La Turquie a accepté l'an dernier l'installation dans le sud-est de son territoire d'un système radar d'alerte précoce, qui fait partie du bouclier antimissile de l'Otan destiné, selon les Etats-Unis, à faire face aux menaces d'attaques de missiles venant du Moyen-Orient, en particulier d'Iran.
La veille, c’était au tour du Secrétaire général du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah de hausser le ton et de réaffirmer son engagement du côté de la Syrie. Certains milieux proches du Hezbollah n’hésitent plus à proférer des menaces directes contre les intérêts occidentaux dans la région, notamment contre les forces de la Finul au Liban, qui regroupe des unités françaises.
Jusqu’ici, la Syrie n’a pas jeté dans la bataille toutes ses cartes. Acculée, elle n’hésitera à y recourir.
La course vers l’abîme est entamée. Le Proche-Orient est au bord d’une conflagration majeure qui semble désormais échapper à ses planificateurs.