Quand les médias saoudiens appellent à la démocratie en Syrie et occultent la répression féroce dans le royaume
En observant les médias saoudiens et qataris, tout comme ceux des autres monarchies du Golfe, on les croyait soudain convertis aux valeurs de la démocratie et des droits de l’Homme, valeurs dont la population de ces pays manque cruellement : pas de démocratie, pas d’alternance, corruption généralisée, absolutisme moyenâgeux. Et cerise sur le gâteau : souveraineté vendue aux puissances occidentales en contrepartie d’un impôt de protection. Les bases américaines, françaises et britanniques y sont installées pour soit disant protéger ces dictatures d’un pays, non moins dictatorial et théocratique, l’Iran.
Ces derniers mois, le mot d’ordre véhiculé, sans nuance, par les médias des pétromonarchies : comment se prémunir du danger iranien ? La raison est toute trouvée : en renversant ce qu’ils présentent comme le maillon faible, à savoir la Syrie, puis le Hezbollah. Le régime iranien tomberait ainsi de lui-même comme un fruit mûr. Cette stratégie du « containment » (encerclement) est en train d’échouer. Non seulement le prétendu « croissant chiite », composé de l’Iran, de l’Irak, de la Syrie et du Hezbollah est en train de se renforce, mais, il est en train de passer à l’offensive : instabilité au Koweït, reprise de la contestation à Bahreïn et à Oman. Menace d’éclatement du Yémen au grand bonheur de l’Iran à travers ses obligés et alliés, à commencer par les houthis. Déstabilisation programmée du Qatar, où il ne se passe pas de mois sans qu’un coup d’Etat militaire ne soit déjoué sur fond de lutte tribale autour de la succession – déjà ouverte- de l’Emir Hamad, très malade. Son fils et prince héritier Tamim, de son dernier mariage avec Cheikha Moza Bin Mesned, ne fait pas l’unanimité dans ce minuscule pays du Golfe occupé, sur le tiers de sa superficie, par la plus importante base américaine dans la région. Mais la cible principale de cette offensive de l’axe pro-iranien, c’est l’Arabie saoudite elle-même. La région orientale chiite est depuis des mois le théâtre d’une fronde sans précédent. On ne compte plus les manifestations anti-Saoud, et anti wahhabite dans cette région où sont concentrées les principaux gisements pétroliers du royaume et de la planète. Il suffit d’une étincelle pour mettre le feu aux poudres. Les forces de sécurité sont sur les dents et multiplient les barrages de contrôle dans la région rendant la vie des habitants irrespirable. Il y a quelques mois des manifestations violentes avaient éclaté et avaient été réprimées dans le sang.
C’est ce climat qui rend la situation explosive. Selon des témoins – les médias étrangers n’y sont pas autorisés- plusieurs personnes ont été blessées le lundi 21 novembre lors de la dispersion par les forces de sécurité d'une manifestation dans la région chiite de Qatif, dans l'est de l'Arabie saoudite.??Les manifestants sont descendus dans la rue à Chouika pour protester contre la mort la veille d'un habitant de cette localité, Nasser al-Mheichi, 19 ans, accusant la police de l'avoir tué.??Le jeune homme a été blessé hier à proximité d'un barrage de police à Chouika, dans des circonstances non élucidées. Il est décédé des suites de ses blessures à l'hôpital. "La police nous a informé que des coups de feu avaient visé un barrage de contrôle de police sur la rue al-Ryad, et que mon fils avait été pris sous le feu croisé des hommes armés et des policiers, et atteint de quatre balles", a affirmé le père de la victime.??Mais selon lui, des témoins ont affirmé que l'un des membres des services de sécurité postés au barrage avait abattu son fils. Le porte-parole de la police dans la province orientale de l'Arabie saoudite, n'a pas voulu commenter l'incident.??L'un des proches de la victime, qui a requis l'anonymat, a affirmé à l'AFP que le jeune homme avait été atteint alors qu'il rentrait à pied chez lui, après avoir suivi ses cours dans un collège technique. Selon des militants, il s'agit du second incident en quelques jours, un jeune homme ayant été blessé samedi 18 novembre par des tirs de membres des forces de sécurité dans la localité chiite de Awamiya.??Awamiya avait été le théâtre de troubles début octobre, lorsque 14 personnes, parmi lesquelles 11 policiers, avaient été blessées au cours d'affrontements entre les forces de l'ordre et des manifestants. Les autorités avaient accusé des "fauteurs de troubles" d'être à l'origine de ces violences et d'agir "à l'instigation d'un pays étranger", dans une allusion à l'Iran. La majorité des quelque deux à trois millions de chiites saoudiens vivent dans la province orientale riche en pétrole et se plaignent d'être marginalisés.
C’est dans ce climat explosif qu’Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères s’était rendu en visite officielle au Royaume le 20 novembre au cours de laquelle il avait rencontre le nouveau prince héritier saoudien, Nayef ben Abdel Aziz, en présence du ministre des Affaires étrangères, le prince Saoud al-Fayçal. Au menu : coordonner la stratégie d’encerclement de la Syrie et de l’Iran. L’explosion de la situation en Egypte, que la France et l’Arabie saoudite ne souhaitaient pas de peur que la chute du pouvoir militaire ne se traduise par un chaos et par la rupture du traité de paix avec Israël, était également évoqué.
Au cours de sa tournée, commencée en Turquie et qui l’avait conduit aux Emirats arabes unis, en Arabie saoudite, le Koweït et le Qatar, M. Juppé a voulu s’assurer de la détermination de ces pays à faire tomber le régime syrien. Comme dans l’affaire libyenne, il voulait utiliser des pays et des organisations régionales arabes et islamiques pour arracher au Conseil de sécurité une résolution permettant une intervention militaire. Il avait demandé également l’aide de ces « démocraties » à continuer à financer l’opposition extérieure syrienne qui est désormais désorganisée et rejetée par l’opinion syrienne très remontée contre les appels à l’intervention extérieure. Les précédents irakien et libyen servent comme repoussoir.