Le conflit libyen vient de connaître un tournant avec la décision de Paris et de Londres d’envoyer des unités militaires pour soutenir les insurgés dans leur entreprise de renverser le régime de Kadhafi, qui s’est montré plus coriace que prévu. Une éventualité fortement déconseillée par la communauté du renseignement dans ces deux pays.
Dès les premiers jours du soulèvement, un commando britannique clandestin avait débarqué dans la zone contrôlée par les insurgés « sans les en avertir ». Il était clair que ce débarquement a eu lieu avec la complicité de certains éléments dudit Conseil national de transition, qui n’ont pas jugé opportun d’en informer les autres membres, notamment les islamistes. En les arrêtant et en les expulsant sans autre forme de procès, le CNT, pris la main dans le sac, s’est dit « offusqué » par cette opération. C’était là en réalité le signe avant-coureur qu’une opération terrestre en bonne et due forme était déjà planifiée et n’attendait qu’une préparation psychologique de l’opinion occidentale pour lui « vendre » l’argument suivant : « pour renverser le régime de Kadhafi, il est incontournable d’envoyer des troupes au sol », ce que la résolution 1973 du Conseil de sécurité interdit clairement.
Les premiers à avoir envoyé des agents armés et des officiers de renseignement sont les Américains. Ils voulaient « identifier » les interlocuteurs possibles parmi les insurgés et comprendre pour qui ils travailleraient. Les rapports qu’ils ont envoyés à leurs supérieurs sont catégoriques : il s’agit d’une nébuleuse travaillée par des intégristes proches d’Al-Qaïda. C’est ce qui a déterminé Obama à se retirer de l’opération en refilant la patate chaude aux Français et aux Anglais. Ces derniers sont également arrivés à la même conclusion que leurs homologues américains. Ils sont depuis à la recherche d’une sortie politique « honorable » du conflit. Pourtant la France, sous les auspices de l’Elysée en précampagne présidentielle, continue à se délier des engagements de la résolution 1973 et à préparer le terrain à un débarquement terrestre. En prétextant notamment de la détérioration de la situation humanitaire dans la ville portuaire de Misrata. C’est dans ce sens qu’il faudra comprendre l’aveu du porte-parole du gouvernement français, François Baroin, annonçant « qu'un petit nombre d'officiers de liaison français » sera déployé auprès du Conseil national de transition libyen. En attendant, l’Emir de Qatar, qui a pris un gros risque en engageant son aviation dans le bombardement de la Libye, vole au secours de son « ami » Sarkozy, soutient un tel débarquement et persiste à vouloir envoyer armes et fonds aux insurgés. Un soutien qui crée des remous au sein de la famille régnante à Doha, dont certains membres influents, notamment le frère de l’émir, n’hésitent plus à le critiquer ouvertement dans leurs cercles. Des rumeurs de coup de palais circulent déjà à Doha. Lors de la dernière réunion du Groupe de contact sur la Libye, les observateurs ont remarqué la mise sur devant de la scène du prince héritier, le cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani (fils de la dernière épouse du Prince Hamad, la cheikha Moza al-Mesned), qui a demandé publiquement qu’on donne au peuple libyen les moyens de « se défendre ».