De tous les palais présidentiels européens et outre atlantique, on entend la même voix : les pays arabes doivent se démocratiser et se débarrasser de leurs dictatures. Sarkozy et ses confrères prônent tous la bonne parole et appellent à des « transitions pacifiques ». Ce sont pourtant les mêmes qui ont équilibré leur balance commerciale par une augmentation spectaculaire des ventes d’armes en tout genre à ces régimes dits « corrompus ». Celles de la France, dans le cadre de « méga-contrats », ont augmenté de 21% entre 2008 et 2009.
Le Royaume-Uni a vendu des armes aux États du Maghreb et du Moyen-Orient officiellement, y compris à la Libye et à l’Arabie Saoudite. Le contrat, signé en octobre 2010, comprend de l’armement lourd et léger et du matériel antiémeutes comme des grenades au gaz lacrymogènes. Ce sont ces mêmes armes qui ont tué quatre manifestants, au moins, à ce jour, et blessé plus de 230 personnes.
A Bahreïn, les forces de l’ordre qui ont donné l’assaut dans la nuit du 16 au 17 février, sur un campement de manifestants dans le centre de la capitale, ont été formées par des CRS français. Cette coopération avec l’État français est née d’un accord signé par Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’Intérieur, avec le cheikh Rashed Ben Abdallah al-Khalifa, son homologue. Le document, approuvé par le Sénat et l’Assemblée nationale en avril 2010, stipule que « la France contribue à la formation des forces de maintien de l’ordre bahreïniennes chargées d’encadrer les manifestations ». Elles ont visiblement bien appris leur leçon.
Ce ne sont là que des gouttes dans l’océan du marché officiel de l’armement. On se rappellera que les infirmières bulgares et le médecin palestinien détenus en Libye, en 2007, avaient été libérés en échange d’un important contrat d’armement avec la France de Sarkozy dont l’épouse d’alors, Cecilia, était personnellement impliquée dans la négociation. Dans une interview accordée au quotidien Le Monde de l’époque, Seif al Islam Kadhafi, fils de son père, avait expliqué que l’accord portait sur la fourniture d’une centrale nucléaire et d’un volet militaire. Exercices conjoints, achat de missiles Milan antichar pour 100 millions d’euros, entretien et production d’équipements militaires étaient au menu. Ce fut « le premier accord de fournitures d’armes par un pays occidental à la Libye », faisait remarquer, tout fier, Seif Kadhafi. Un contrat suivi par d’autres, dès 2008, pour une valeur de 10 milliards d’euros (réacteurs nucléaires, Airbus, armement), conclus lors de la visite en France de Mouammar Kadhafi. Il avait été reçu, alors, en grande pompe par Nicolas Sarkozy, pendant que le Parlement européen était en train de discuter du rapport de l’UE sur les droits de l’Homme.