L’institution militaire a de plus en plus de difficultés à tolérer l’omniprésence des Frères musulmans. Elle pourrait être tentée d’interrompre le processus électoral.
À l’approche des élections de l’Assemblée constituante, les Frères musulmans semblent avoir changé de tactique vis-à-vis du Conseil suprême des forces armées (CSFA), au pouvoir depuis la chute du président Moubarak. Revigorée par le triomphe des islamistes en Libye et en Tunisie, la confrérie a, en effet, durci le ton, exigeant la tenue du scrutin à la date prévue, soit le 28 novembre prochain, escomptant une large victoire de ses forces. Elle s’inquiète notamment du rapprochement opéré entre le CSFA et certaines forces libérales et « laïques », après les graves massacres confessionnels survenus le 9 octobre, au cours desquels une vingtaine de coptes ont été tués et plus de 300 ont été blessés par un courant islamiste de l’armée. La polarisation s’accentue entre islamistes et libéraux, surtout après le retrait du parti du néo-Wafd de la coalition qu'il formait avec le Parti de la liberté et la justice (issu des Frères musulmans). Certains observateurs évoquent le risque d’une « situation à l’algérienne » en cas de menace de raz-de-marée islamiste, estimant que l’armée pourrait alors interrompre le processus électoral, à l’exemple de ce qui s’est produit en Algérie en 1991. Sans compter les réticences de l’institution militaire à remettre le pouvoir à des civils, ce qui l’obligerait à renoncer à ses nombreux privilèges, après soixante ans de règne sans partage.