Au Congrès, on évite les « shutdowns » mais la bataille autour du budget est loin d’être finie. Le défi d’Obama : réduire le déficit et la dette publique, sans affaiblir le dynamisme économique du pays.
Un accord entre démocrates et républicains a été trouvé dans la nuit du vendredi 8 avril, une heure avant la date limite, sur le financement du gouvernement américain jusqu’au 30 septembre 2011, fin de l’année fiscale en cours. Cet accord, négocié par le président républicain de la Chambre des représentants, John Boehner, le chef de la majorité démocrate du Sénat, Harry Reid, et la Maison-Blanche, prévoit une réduction budgétaire de 38,5 milliards de dollars (29,6 milliards d’euros). Mais l’accord ne satisfait personne – un député républicain du Wisconsin, Paul Ryan, l’a résumé ainsi : « La lutte sur le budget de 2011 n’est que le premier morceau de la pomme… Nous voulons des billions d’épargne. » En effet, concernant le compromis budgétaire, sa seule valeur est d’avoir évité le shutdown (fermeture des services de l’administration) qui aurait entraîné le renvoi de 800 000 fonctionnaires – sans salaire, sans compensation –, le gel des salaires des membres des forces armées qui néanmoins auraient continué à « travailler », l’arrêt de l’envoi des chèques de sécurité sociale, Medicare et Medicaid, l’arrêt du ramassage des poubelles, etc. – bref, ce qu’on appelle les travaux fédéraux « non essentiels ».
À l’origine, les républicains demandaient une réduction budgétaire de 61 milliards de dollars, tandis que les démocrates étaient prêts à accepter des coupes à hauteur de 33 milliards de dollars. Avec le compromis sur les dépenses (pour le budget de 2011), les démocrates ont pu mettre fin – temporairement – aux désirs républicains de supprimer des fonds destinés au programme de planning familial (parce qu’il donnait accès à l’avortement) et d’aide médicale aux femmes démunies. Les conservateurs voulaient quant à eux trancher dans les ressources destinées à l’Agence de protection environnementale (EPA) pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et autres polluants. Si cette question a finalement été mise de côté, les parlementaires anti-avortement ont obtenu l’interdiction d’utiliser des fonds fédéraux pour le financement d’avortement (IVG) dans la capitale, Washington.
Pour rappel, il y a eu plusieurs shutdowns du gouvernement fédéral, allant de quelques jours à plusieurs semaines. Les deux derniers ont eu lieu au milieu des années 1990 sous la présidence de Bill Clinton, des paralysies qui avaient nui aux républicains (sous le leadership de Newt Gingrich). Aujourd’hui, les sondages, les think tanks et les journalistes ne s’accordent pas sur la question de savoir quel parti aurait le plus souffert d’un shutdown. Probablement ni l’un ni l’autre.
La tension sur le budget fédéral a intensifié l’inquiétude à Washington, à Wall Street et parmi les économistes sur le prochain clash, sans doute plus dur, concernant l’augmentation de la limite légale de la dette fédérale 14 250 milliards de dollars. Les républicains ont déjà rendu publiques leurs exigences concernant la réforme du plan de santé (voté par le Congrès démocrate avant les élections de mi-mandat), avant même de considérer tout relèvement. Étant donné le manque de temps (la limite actuelle de la dette sera dépassée le 16 mai), l’administration prévoit une mesure provisoire, « stop-gap » ou mesure « bouche-trou », qui reculera l’échéance au 8 juillet.
Mais fin septembre viendra le moment de préparer le budget fédéral de 2012 – une mini-guerre déjà en route. Le conflit sur celui de 2011 a déjà montré que les quatre-vingt-sept freshmen (les nouvellement élus républicains, du Tea Party et autres extrémistes) avaient des « muscles », même vis-à-vis des républicains plus anciens, conservateurs traditionnels du Congrès. Le 13 avril, dans son premier discours de présidentiable aux prochaines élections, Barack Obama a annoncé son plan pour 2012, à savoir la réduction du déficit américain de 4 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, le maintien des aides aux plus pauvres, la suppression des allégements fiscaux offerts aux plus riches par Georges Bush ou encore la réduction des dépenses militaires…
Évidemment, les républicains s’insurgent contre ces coupes. Mais le président s’est dit décidé à atteindre ces objectifs, souhaitant utiliser « un scalpel plutôt qu’une machette » pour tailler dans les dépenses. À Washington, on considère le budget proposé par Obama comme une ouverture dans un « jeu de cartes », l’ouverture d’une longue procédure de négociations. Combien va-t-on couper ? Que va-t-on couper ? Au final, quelle sorte de société connaîtront les États-Unis, pays déjà bien derrière la plupart des autres pays industrialisés ?