Ce début 2011 a été marqué par l’entrée tonitruante des « tea partiers », partisans du Tea Party, au Congrès américain. Barack Obama, affaibli, conserve néanmoins une marge de manœuvre face à des républicains promis à de belles empoignades.
Élus en novembre dernier, quatre-vingt-sept nouveaux élus républicains ont officiellement rejoint le 5 janvier 2011 le 112e Congrès américain, permettant au Grand Old Party (GOP) de reprendre la majorité à la Chambre des représentants. Sur ces quatre-vingt-sept arrivants, une cinquantaine a été portée par le Tea Party, groupuscule extrémiste dont la renommée est aussi grande que sa rhétorique délétère. Leur slogan : « Changer Washington ».
Même si tous les poulains du Tea Party n’ont pas réussi à tirer leur épingle du scrutin, les nouveaux élus ont donné au Congrès un look assez spécial. Leur première action en dit long sur leurs intentions : voter l’abrogation de la réforme de la santé, symbolique – bien que loin de sa formule originale – de l’action du président Obama. Le peuvent-ils vraiment ? « Changer Washington » a beau être une formule facile, la tâche s’annonce bien moins aisée dans les faits : d’abord parce que la constitution américaine requiert le vote majoritaire du Sénat, détenu, d’une courte tête, par les démocrates ; ensuite parce que le président bénéficie d’une arme imparable : le veto. Il reste que les républicains, placés à la tête d’importantes commissions du Congrès, auront toujours le pouvoir de bloquer les dépenses nécessaires à la mise en œuvre de cette réforme urgente. Autres chevaux de bataille des tea partiers, le durcissement des programmes de sécurité sociale (Medicaire et Medicaid), ainsi que la radicalisation des lois concernant l’immigration… Nulle mention, par contre, de la sacro-sainte « sécurité nationale », et encore moins de ses pendants, les deux guerres que les États-Unis mènent actuellement (bientôt trois ?) et qui « avalent » le plus gros des dépenses nationales. Mise à la sauce républicaine, la réduction du déficit équivaut à des coupes drastiques dans les budgets de l’éducation, de la santé, des transports et d’autres aides sociales qui sont déjà inférieures à celles des pays réputés industrialisés.
Devant de telles velléités, la question est de savoir si ce nouveau Congrès ne s’enlisera pas dans d’interminables disputes ou finira, comme dans le passé, par un « breakdown », c’est-à-dire une paralysie du gouvernement faute de vote budgétaire. Ce dénouement est craint par beaucoup d’observateurs, même si les moins pessimistes espèrent encore une sorte d’entente – lisez : l’abandon des espoirs portés par l’administration Obama et/ou un conflit entre républicains « modérés », radicaux et tea partiers.
Il faut dire que les républicains sont beaucoup plus divisés qu’ils ne le laissent paraître. Ses dirigeants, se sachant redevables au Tea Party, se voient tenus de satisfaire son exigence première : abaisser en même temps les impôts et les déficits. Quelle belle quadrature du cercle ! Une impasse en appelant une autre, tout projet républicain risque en effet d’être tuée dans l’œuf par le Sénat ou « mise à mort » par la Maison-Blanche.
En fait, le revirement manifeste des républicains l’abandon de leur promesse de déduire les dépenses domestiques de 100 millions de dollars – réduite à quelques 35 millions) témoigne de la fragilité de leur union et de leur position très inconfortable au Congrès. Il préfigure également leurs futures empoignades avec les tea partiers dont beaucoup sont restés très soupçonneux à l’égard de la direction. Qui plus est, si pour garder la fidélité de leurs conservateurs les plus radicaux, ils votent des coupes profondes dans le budget domestique américain (notamment l’éducation, la santé et la recherche médicale et scientifique, garantes du bien-être d’une population déjà en crise), ils ne feront que donner aux démocrates l’occasion d’une admonestation lors des prochaines élections. De telles réductions devraient d’ailleurs rapidement susciter des protestations de gouverneurs et officiels locaux, y compris républicains, soucieux de leur avenir politique. Le président Obama aura eu le mot juste en déclarant que « les républicains ont maintenant la responsabilité partagée de faire avancer le pays… Obstruction ou coopération, ils seront tenus pour coresponsables… »
Du côté des démocrates, la situation n’est pas plus amène. Face à la perte de leur majorité à la Chambre et la diminution de leur majorité au Sénat – certes assez mince – ils devront gérer deux prochaines années extrêmement difficiles. À commencer par une division au sein même de leur parti, l’aile gauche se montrant de plus en plus mécontente des concessions du président, en particulier sur les renforts envoyés en Afghanistan et le coût insupportable de la guerre, au détriment du social.
La « révolte » qui bouillonnait dans le camp démocrate a éclaté après le deal passé par la Maison-Blanche avec les républicains sur les avantages fiscaux, laissant ainsi se poursuivre la baisse d’impôts des plus riches (2 % de la population), une action dont
la paternité revient à George W. Bush.Mais, inclus dans ce « deal » l’aide accordée aux chômeurs de longue durée (9 % de la population) qui allait prendre fin début 2011est prolongée. Cet accord a été critiqué par certains et compris par d’autres (1), mais en tout état de cause, l’attitude des démocrates à l’égard d’Obama n’est plus exactement celle qu’ils lui témoignaient il y a deux ans… coupé ici
Les derniers sondages montrent que les Américains approuvent plutôt le recentrage de Barack Obama et plébiscitent ses récentes victoires dans ce Congrès surnommé « lame duck » ou « canard boiteux » – en opposition au précédent où les démocrates disposaient de la majorité des deux Chambres – : le traité Start signé avec Moscou, la fin du tabou gay (« Don’t ask, don’t tell ») dans les forces armées et le compromis fiscal. Mais on compte aussi, bien évidemment, de nombreux démocrates démoralisés. Ceux-ci se réfèrent à Franklin Delano Roosevelt (FDR) qui, selon eux, a réalisé son new deal au cours des premiers cent jours de sa présidence. Cependant, son petit-fils, Curtis Roosevelt, a récemment comparé sa première élection de mi-mandat en 1934 à celle d’Obama en 2010, toutes deux ayant eu pour conséquence des défaites désastreuses pour les démocrates. En fait, FDR a admis :« Nous ne sommes vraiment sortis de la grande dépression que lorsque le réarmement, en anticipation de la Seconde Guerre mondiale, a mis tout le monde au travail. Au cours du premier mandat de FDR, chaque projet de loi a dû être modifié, ceci en dépit de la majorité démocratique… tout comme aujourd’hui. Des compromis, souvent substantiels, étaient passés entre les deux bords, à l’exception de la droite radicale qui criait à “l’horreur du socialisme ». l’enthousiasme galopant pour le new deals’est détérioré en moins d’un an, des voix de gauche modérées, mais néanmoins assez acides critiquant la propension de Roosevelt au compromis… », dixit son petit-fils ainsi que bon nombre d’économistes.
Il n’y a pas de dieu en politique : hormis les dictateurs, aucun dirigeant ne peut faire tout ce qu’il veut. Le nouveau gouvernement fait face à une multitude de problèmes, sur le plan national, mais aussi à l’étranger. Rendez-vous dans deux ans…