Loin des préoccupations de leurs concitoyens durement affectés par la crise, nombre de candidats – surtout républicains – aux élections de mi-mandat font étalage de leur petite vertu…Leur parti pourrait pourtant bien regagner des sièges au Congrès devant la déception des Américains envers la politique d’Obama.
Habituellement, peu d’électeurs s’intéressent au déroulement des élections à mi-mandat, qui auront lieu le 2 novembre. Les primaires qui se sont déroulées en juin-juillet pour désigner les candidats de partis à ces législatives ne dérogent pas à la règle. Mais ceux qui sont attentifs à ces élections cette année ne peuvent qu’avoir deux attitudes : soit hurler de rire (jaune) vu le contexte, soit leur tourner le dos. La crise économique prolongée, le « sauvetage » des banques, les méandres de Wall Street, l’horreur de la marée noire dans le golfe du Mexique ont provoqué la colère et les critiques contradictoires des ultra-conservateurs des tea parties populistes. De leur côté, les « néocons » ont férocement condamné le « socialisme » d’Obama tandis que les supporters de gauche, désillusionnés, déplorent ce qu’ils perçoivent chez le président comme sa facette « pro-business ». Obama pâtit d’une économie qui donne de faibles signes d’amélioration aussitôt suivis de résultats contraires, d’un agenda et d’événements à l’étranger qui continuent de requérir son engagement vis-à-vis du « big business », quand bien même il essaie de représenter les intérêts des Américains moyens. Comme c’est souvent le cas, il n’arrive à satisfaire ni les uns ni les autres. Néanmoins, avec son charisme, Obama reste beaucoup plus populaire que son Parti, et les élections ne le concernent pas directement.
En attendant les résultats du 2 novembre, les élections primaires ont été marquées par des accusations d’hypocrisie, de scandales sexuels, de divers crimes, les candidats et exprimant haut et fort des opinions difficilement qualifiables. Commençons par l’État de l’Illinois. L’ancien gouverneur Rod Blagojevich, « Blago », est actuellement accusé d’avoir essayé de « vendre » le siège au Sénat auparavant détenu par Barack Obama. Entre-temps, le sénateur David Vitter, républicain de Louisiane, se présentant comme un conservateur religieux, a exhibé son épouse à ses côtés quand il a dû reconnaître avoir passé du bon temps avec des prostituées. Rien de neuf sous le ciel des campagnes américaines, si ce n’est que, pendant ce temps-là, la Louisiane s’enlisait dans une terrible marée noire.
Histoires de rire (jaune)
En Caroline du Sud il y a huit ans, les électeurs ont placé à la Maison du gouverneur un républicain conservateur et dynamique flanquée d’une femme éduquée et attirante. Le couple, qui défend les valeurs familiales, a envoyé des cartes de Noël avec des photos de leurs quatre fils. En juin dernier, personne n’a pu dire où avait disparu Robert Sanford, présenté comme un grand espoir de son parti. Réapparu huit jours plus tard, il a dû confesser publiquement, avec force regrets dans la voix, qu’il avait fait une escapade avec sa maîtresse en Argentine. Pour autant, Sanford n’a pas été empêché de se présenter aux primaires. C’est que son possible « remplaçant », le lieutenant gouverneur André Bauer, n’est pas plus net : parmi ses excentricités, il a l’habitude de conduire la nuit à plus de 160 km à l’heure sur l’autoroute, utilisant sa radio officielle pour dire qu’il est occupé par des affaires d’État. Bauer a-t-il écopé d’une quelconque amende ? Même pas.
Le Nevada n’est pas en reste. Le gouverneur actuel, Jim Gibbons, qui se représentait, a été mis en échec lors de la primaire républicaine. Le signe qu’il était allé trop loin, même dans cet État où tout va comme on veut ? En 2006, une hôtesse de bar l’avait accusé de l’avoir attaquée sexuellement. Selon lui, il l’aurait simplement attrapée alors qu’elle trébuchait. En 2008, il avait renvoyé sa femme de force de la Maison du gouverneur. Dans une demande de divorce, elle l’a accusé d’avoir eu des relations extra-maritales. Gibbons a démenti avoir eu des rapports avec la femme à laquelle il avait envoyé 867 textos, et avec une play girl (genre moins apprécié qu’un mannequin) qu’il avait accompagnée à un rodéo à Reno. Selon le gouverneur, il n’a pas couché avec quiconque, y compris sa femme, depuis quinze ans…
Le « top » des histoires à hurler de rire (jaune) vient aussi du Nevada et concerne le sénateur John Enseign. Celui-ci vivait dans une maison d’une groupe chrétien à Capitol Hill (Washington DC). Ce qui ne l’empêchait pas d’avoir une relation avec la femme d’un de ses adjoints. Sans doute pour le « couvrir » – ou le « blanchir » –, les parents d’Enseign ont donné 96 000 dollars à l’ancien employé, sa femme et ses deux enfants. Une prime normale pour le départ de son adjoint, selon le sénateur. Le prix du silence, pour beaucoup. Le chiffre, toutefois, sonnait faux. Et l’on a découvert que les parents avaient donné 12 000 dollars à l’ancien adjoint et la même somme aux quatre membres de sa famille, le maximum permis sans avoir à le déclarer à l’Internal Revenue Service (les impôts). Enseign a rejoint d’autres sénateurs faisant l’objet d’une enquête du Comité d’éthique du Sénat. Puritaine l’Amérique ? À sa façon !
Plus sérieusement, les républicains fondent leurs espoirs de reconquête d’élus sur la capacité amnésique de la population, c’est-à-dire sa facilité à oublier, au bout de deux ans seulement, les malfaisances de l’administration Bush. Miser sur l’amnésie n’est pas un pari perdant. Il n’y a qu’à voir les énormes manifestations contre les lois sociales votées d’arrache-pied par l’administration Obama. De plus, les républicains ne sont pas tous des « modérés » : ils y a beaucoup plus de radicaux (néo-cons, tea parties) parmi eux, qui font virer le Parti vers une droite extrémiste.
Même si on s’attend à de mauvais résultats pour les démocrates en novembre, tout n’est peut-être pas totalement perdu pour leur parti. Mais leur marche arrière sur les réformes de l’immigration et de l’énergie, surtout au moment où le chômage est le souci numéro un de la population, n’augure rien de bon.